Depuis quelques semaines, l'hypothèse d'un boycott des Jeux olympiques de Pékin est évoquée comme moyen de pression sur les dirigeants chinois et leur implication supposée dans un certain nombre de crises et de conflits qui agitent le monde. Cette idée a surgi de nouveau en arrière-plan des troubles survenus au Tibet dont se sont inquiétés nombre de capitales occidentales. Ce sont celles qui ont habituellement reproché aux dirigeants chinois de faire très peu cas des droits de l'homme. Mais Pékin a été montrée du doigt aussi lors des événements en Birmanie, ou pour ses liens avec les autorités soudanaises et donc indirectement avec le conflit du Darfour. La menace de boycotter les Jeux olympiques de Pékin s'avère donc être un moyen de pression psychologique de la part de capitales occidentales dont le sérieux peut être mis en doute. Comment en effet accorder du crédit moral à une administration qui, comme celle du président Bush, a occupé un pays tiers par les moyens de la guerre – en l'occurrence l'Irak – et entretient le no man's land de Guantanamo, et autorise le recours à la torture ? Pour donner des leçons aux autres, il convient d'abord de n'avoir rien à se reprocher. Désigner les Jeux olympiques à la vindicte, c'est une façon, pour beaucoup de pays occidentaux, de se défausser sur la Chine de leurs propres difficultés et de détourner l'attention de leurs propres opinions publiques. Que les dirigeants chinois ne soient pas des parangons de vertus démocratiques peut se discuter, car le jugement pourrait leur être retourné. La thèse du boycott s'apparente à une fuite en avant, car autant prôner la rupture pure et simple des relations avec un pays qui, en fait, embarrasse l'Occident par son avancée sur le terrain économique et ravit des parts de marché colossales à l'Europe et aux Etats-Unis. Les dirigeants occidentaux se montrent ainsi très mauvais perdants en n'acceptant pas la percée chinoise en Afrique et sur le vieux continent. Les humanistes du monde entier se seraient rangés derrière Washington si sa croisade pour les droits de l'homme n'était pas entachée par des doutes sur la bonne foi qui la sous-tend. Il ne s'agit nullement d'absoudre Pékin de quoi que ce soit, mais force est de relever qu'il y a aujourd'hui une tentation politicienne d'instrumentaliser les Jeux olympiques, exactement comme à l'époque de la guerre froide lorsque les Etats-Unis et l'ex-Union soviétique utilisaient l'arme du boycott. Et l'idéal olympique dans toutes ces manœuvres subliminales ? Le sport doit être épargné par des enjeux qui, finalement, relèvent encore de velléités hégémoniques. Il faut quasiment se demander, dès lors, s'il ne s'agit pas d'une contestation, a posteriori du choix de Pékin pour abriter les Jeux olympiques de l'été prochain. C'est une démarche qui manque de sérénité parce qu'elle participe encore de cette idéologie qui consistait à vouloir isoler la Chine de la scène internationale lorsque sévissait cette guerre froide dont ne sont pas guéris bien des esprits dans le monde. Les temps ont cependant bien changé depuis que la Chine s'est éveillée. On ne peut pas en dire autant pour bien des maîtres de ce monde.