Prévu pour le début de la semaine prochaine à Damas, le Sommet arabe s'annonce déjà sous les plus mauvais auspices. Il est en effet définitivement acquis que le Liban n'y prendra pas part. Le roi Abdallah d'Arabie Saoudite en sera également absent, alors que l'Egypte a décidé de réduire le niveau de sa délégation au sommet, ce qui revient à dire que le président Moubarak ne fera pas le voyage de Damas. Ces absences ont un caractère totalement anecdotique car il est permis de se demander à quelle dynamique elles mettent fin tant les dissensions entre les pays arabes sont récurrentes. Les précédents sommets arabes avaient donné lieu à des controverses entre chefs d'Etat qui masquaient en fait l'incapacité des dirigeants arabes à trouver des consensus sur des questions aussi capitales que celles de la Palestine ou de l'Irak. Il est impensable, dans cet ordre d'idées, que les dirigeants syriens, hôtes de ce sommet, aient pu entretenir la moindre illusion sur la propension d'un certain nombre de pays arabes à vouloir réellement faire l'union sacrée. Il est difficile d'imaginer ainsi que les monarchies du Golfe, alliées inconditionnelles des Etats-Unis, donnent des gages politiques à Damas au risque de mécontenter George Bush qui continue de vouer les dirigeants syriens aux gémonies. La Maison-Blanche est moins que jamais favorable à une concorde entre les Etats arabes et tire les plus grands avantages stratégiques de leurs divisions. Face aux manœuvres américaines à grande échelle, le discours officiel arabe présente un tableau idéalisé de la situation en faisant croire aux opinions publiques de leurs pays à une fraternité mythique au moment où les Arabes ne peuvent pas se déplacer d'un pays arabe à un autre sans être soumis à la procédure du visa. Si un sommet arabe ne peut pas faire la décision sur la libre circulation des personnes, sur quoi pourra-t-il se prononcer ? La marge de manœuvre des dirigeants et de la Ligue arabe est tellement réduite que les tentatives de médiation pour l'élection du président du Liban ont échoué. Sur les dossiers du Darfour, de la Somalie et à plus forte raison pour ceux de la Palestine et de l'Irak, les dirigeants arabes se déchargent de l'initiative de la solution sur les Etats-Unis et l'Europe qui n'ont d'autre souci que la sécurité d'Israël. C'est ce qui explique le retour en force de la diplomatie française au Liban où le Quai d'Orsay entend parrainer, par l'entremise personnelle du ministre Kouchner, l'élection du président de la République du Liban. Tout cela pendant que les dirigeants arabes se cantonnent dans des postures de spectateurs. Ils n'ignoraient pas que les autorités libanaises n'allaient pas rater l'occasion de boycotter le sommet de Damas ne serait-ce que pour réaffirmer toute l'ampleur de la distance avec une Syrie qu'ils regardent comme ennemie avec l'assentiment des capitales européennes et des Etats-Unis. A quoi servirait un sommet arabe qui aurait maintenu les ruptures en l'état et enfermé le monde arabe dans un statu quo qui consiste pour lui à donner le change en faisant croire à une entente factice entre les dirigeants arabes qui excellent dans l'art de se presser lentement.