Rien ne va plus à Damas. Le 20e sommet de la Ligue arabe, prévu les 29 et 30 mars dans la capitale syrienne, s'annonce sous de mauvais augures. Dissensions, boycottage, tensions régionales et désunions arabes : le sommet sera le point focal des querelles interarabes. L'Arabie Saoudite, qui devait faire passer la présidence tournante à la Syrie, boude le sommet. Le roi saoudien Abdallah Ibn Saoud a décidé de déléguer à Damas son représentant permanent à la ligue. Coup de colère côté syrien : Bachar Al Assad n'acceptera pas de recevoir la présidence tournante de la part d'un représentant du souverain. Question de protocole ? Plutôt d'exacerbation. Damas est accusé par Riyad de bloquer toute solution politique au Liban, un pays sans président depuis novembre 2007 et en proie à des tensions internes ainsi qu'à une permanente menace israélienne. Le niveau de représentation de l'Arabie Saoudite au sommet est « une question de souveraineté », a affirmé à ce sujet Amr Moussa, secrétaire général de la ligue, qui veut jouer un difficile rôle de conciliateur. La position saoudienne a été aussitôt suivie par l'Egypte qui, à son tour, a indiqué hier que le président Hosni Moubarak n'irait pas à Damas et qu'elle serait représentée par un ministre de second plan. La Jordanie et le Maroc devraient aussi être représentés à un niveau inférieur. Et le Conseil des ministres libanais a suivi le bal des boudeurs en annonçant mardi soir qu'il n'envoyait personne en Syrie. Une première dans l'histoire de la Ligue arabe dont le sommet n'accueillera pas le seul président arabe chrétien. Et pour cause, il n'est même pas encore élu depuis cinq mois. Il faut rappeler ici que les Etats-Unis ont appelé la semaine dernière les pays arabes « à réfléchir » avant de décider de participer au sommet, accusant également la Syrie — ancienne puissance de tutelle du Liban — d'entraver l'élection du prochain président libanais. « L'absence du Liban au sommet signifie que nous ne sommes pas dans une situation normale. Nous voulons exprimer une inquiétude nationale et un rejet du fait que le Liban est toujours sans Président, des mois après la fin de l'échéance », a déclaré avant-hier Mohammad Chatah, haut conseiller du Premier ministre Fouad Siniora. Le nœud libanais Le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem, a affirmé hier que le Liban avait « perdu une occasion en or » en boycottant le sommet. « Le Liban a perdu une occasion en or pour débattre de la crise (politique dans ce pays) et pour renforcer le plan arabe pour une solution » au Liban, a déclaré M. Mouallem lors d'une conférence de presse à Damas, ajoutant que « le Liban a perdu une occasion en or pour examiner l'état des relations syro-libanaises ». Le 20e sommet arabe devra examiner le dossier libanais, les questions soudanaise, irakienne et somalienne et ce « avec ou sans la participation du Liban au sommet », avait déclaré M. Moussa qui a précisé que l'initiative arabe adoptée au Caire « focalisera les débats ». Le secrétaire général de la Ligue arabe a indiqué qu'il « soumettra un rapport aux dirigeants arabes sur l'initiative arabe pour le règlement de la crise libanaise, les efforts visant à son application et les derniers progrès enregistrés en la matière ». L'initiative arabe, plusieurs fois défendue par M. Moussa lors de ses médiations infructueuses à Beyrouth, prévoit l'élection immédiate d'un président de la République, alors que les parties se sont accordées sur un candidat de consensus, le chef de l'armée Michel Sleimane. Mais les différentes parties libanaises veulent d'abord avoir des garanties sur le prochain gouvernement et la loi électorale que l'opposition veut réviser. Selon le quotidien libanais L'Orient Le Jour, le sommet arabe « ne devrait catalyser aucune avancée sur le front libanais, eu égard à la détérioration continue des relations entre Damas et Riyad ». Le journal explique que la crise entre les deux capitales s'aggrave de jour en jour. Le quotidien syrien Al Watan a accusé le royaume saoudien de « chercher à fuir le dialogue responsable ». Autant dire que la messe est dite quant aux résultats de la rencontre de Damas. Outre l'ouverture du sommet par une séance plénière, M. Moussa a indiqué qu'« il a été convenu de se focaliser lors du sommet sur les réunions à huis clos regroupant quelques membres des délégations participantes pour l'examen des questions essentielles ». Les travaux se dérouleront dans le cadre de trois séances à huis clos entre les dirigeants arabes et donneront lieu à une déclaration comprenant un train de décisions politiques, économiques et sociales convenues par les ministres des Affaires étrangères. Le sommet sera sanctionné par « La déclaration de Damas » convenue entre la Syrie et le secrétariat de la Ligue arabe.