M. Abdelaziz Bouteflika fera-t-il le voyage de Damas ? La question se pose, d'autant plus que le sommet arabe, qui devrait s'ouvrir samedi prochain, se présente vraiment sous de mauvais auspices. On peut même avancer que la rencontre s'est, d'ores et déjà, plantée. La décision de l'Arabie Saoudite de se faire représenter à “un faible niveau” est, en soi, révélatrice des divergences inter-Arabes sur les sujets qui sont à l'ordre du jour et qui, pourtant, sont d'importances cruciales pour le Moyen-Orient et le monde arabe en général. Pomme de discorde : la question libanaise. Deux courants s'affrontent : d'un côté, les pays qui accusent ouvertement la Syrie de maintenir le feu allumé au Liban à travers son soutien aux radicaux du Hezbollah. Et ces capitales plus nombreuses qu'on le pense, dès lors que le procès contre le régime de Damas a été établi par l'Occident, Washington à sa tête. Pour ne rien arranger, le puzzle politique libanais n'est toujours pas arrivé à accorder ses violons pour élire le président de la République. La faute pour les Occidentaux et leurs alliées arabes est Damas et elle seule. La défection du roi d'Arabie Saoudite témoigne de la détérioration dans les relations entre Riyad et Damas. Abdallah estime que Bachar al-Assad lui a porté un coup de poignard dans le dos en refusant de se plier au plan de sortie de la crise libanaise concocté par ses propres soins avant de le faire avaliser par la Ligue arabe. Le feu couve d'ailleurs entre les deux pays. L'Arabie Saoudite, qui n'a plus d'ambassadeur à Damas après le transfert récent de celui-ci au Qatar, a été plus loin en humiliant carrément la Syrie. Elle se fait représenter au sommet organisé par Bachar al-Assad même pas par son ministre des Affaires étrangères, un vrai dignitaire du régime wahhabite. Le prince Saoud représente d'habitude son pays à des sommets en l'absence du roi ou de son prince héritier, comme lors du dernier sommet islamique à Dakar. C'est le fonctionnaire de l'Arabie Saoudite au sein de la Ligue arabe qui occupera le siège de Abdallah à Damas ! Cette décision a jeté la consternation chez les Syriens qui s'inquiètent sérieusement de la participation à leur sommet. Ce n'est pas encore le décompte mais la position de Riyad a fait son effet : rien d'important ne sortira de ce sommet de Damas. L'Egypte, siège du syndicat des souverains et chefs d'Etats arabes, partage avec l'Arabie saoudite la même analyse. Moubarak accuse également la Syrie, ancienne puissance tutélaire et influente pendant près de trois décennies au Liban, de bloquer l'élection d'un président pour remplacer Emile Lahoud, dont le mandat s'est terminé fin novembre. Tout porte à penser que le président égyptien ne se rendra pas à Damas, d'autant que les ultimes efforts du secrétaire général de la Ligue arabe, un Egyptien, ont échoué sur toute la ligne. Ce pas sera-t-il franchi par d'autres dirigeants arabes ? Abdallah d'Arabie Saoudite avait dépêché son héritier à Alger, certainement pour essayer de peser sur Damas, sinon pour obtenir le boycott le plus large au sommet des Syriens. Apparemment, les missions de bons offices de certains pays arabes auprès de Damas sont restées lettre morte, comme la tentative effectuée par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, lors de sa visite en Syrie après un passage par Riyad. Le Koweït a annoncé que son émir allait assister au sommet, tout comme les Emirats arabes unis. Quant aux Libanais, le secrétaire général de la Ligue arabe leur a demandé de participer et Beyrouth n'a encore rien dit. D. Bouatta