En compagnie de Abdelkader Nedjaoui, président de l'association El Achir basée à Aïn Boucif, nous visitons un hameau complètement déserté. Il s'agit du douar des Ouled Sidi M'hamed qui doit son nom au marabout local dont le mausolée trône sur le hameau insulaire. Le douar se trouve à l'ombre du djebel Kef Lakhdar (littéralement : la falaise verte). On est exactement à 15 km à l'est de Aïn Boucif, sur la route menant vers Ouled Hadria, Souaghi et, plus loin, Berrouaghia via Beni Slimane. La route, étroite et accidentée, donne des frayeurs à qui viendrait pour la première fois en ces lieux, par ailleurs, édéniques. En contrebas de la montagne s'étend une splendide plaine verdoyante au creux de laquelle on peut voir couler un très beau ruisseau au milieu d'amandiers en fleurs, de grenadiers, ainsi qu'un jardin potager, l'imposante montagne servant ainsi d'écrin à ce morceau de paradis. Les émirs de l'apocalypse devaient en décider autrement hélas, faisant vite de ce paradis un enfer. « Les habitants ont dû abandonner terres et maisons dès les premières années du terrorisme. Les groupes armés faisaient la loi ici », dit Abdelkader. Des habitations il ne reste que des carcasses de maisons en ruine, d'allure pittoresque, dormant paisiblement dans leur cimetière de pierraille. On peut encore deviner les clameurs qui piaillaient céans du temps où cet havre de paix pétillait de vie. Seule survivance : les herbes grasses qui ont envahi chaque centimètre et chaque empan de mur, poussant à volonté comme pour défier la mort. Il faut aussi citer les vaches qui broutent tout sur leur passage avec appétence. D'ailleurs, il ne reste que les bovins pour faire croire à un semblant de vie. Et un âne. Mais voici un homme allongé sur le gazon, visiblement un vieux berger. « Je suis malade », murmure-t-il, en continuant à faire la sieste en silence, sans se soucier le moins du monde de notre intrusion. Une vieille 404 déglinguée est parquée à l'intérieur d'un cimetière. A la lisière du cimetière trône le caveau du « wali », le marabout fondateur, un beau mausolée de couleur blanche. « Aucun de ceux qui sont partis n'est revenu. Ceux qui ont vendu leur cheptel ne peuvent pas le reconstituer. Ils ont maintenant une autre vie », dit Abdelkader.