Ouyahia par-ci, Ouyahia par-là. L'ex-chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, sans charge officielle depuis le remaniement gouvernemental de juin 2007, reprend décidément du service. Et du service actif. Après Delhi les 8 et 9 avril où Ouyahia a eu à représenter « personnellement » le président Abdelaziz Bouteflika au 1er sommet Inde-Afrique, c'est à New York qu'il devra cette fois-ci « seconder » le chef de l'Etat à la réunion du Conseil de sécurité prévue aujourd'hui. Une réunion de « haut niveau », estime la présidence de la République dans son communiqué diffusé par l'agence APS. Un « événement majeur » et une « rencontre historique », affirme pour sa part le représentant permanent de l'Afrique du Sud à l'ONU, M. Kumalo, lors d'une conférence de presse tenue au début du mois en cours. Pour sa deuxième présidence du Conseil de sécurité qui court jusqu'à la fin de l'année, l'Afrique du Sud de Thabo Mbeki a décidé de baliser les relations du Conseil de sécurité avec l'Union africaine et d'autres organisations régionales. La réunion d'aujourd'hui regroupera les 15 ambassadeurs du Conseil de sécurité et leurs 15 homologues du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine, et le lendemain un débat « au plus haut niveau » que présidera Thabo Mbeki, le président en exercice du Conseil de sécurité, qui portera sur les relations du Conseil de sécurité avec l'Union africaine. Une messe onusienne à laquelle sont conviés les 15 chefs d'Etat des pays membres du Conseil de sécurité ainsi que leurs homologues du Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine. Le président du Gabon, Omar Bongo Ondimba, le président du Conseil italien et le vice-président du Panama ont confirmé leur venue, a précisé M. Kumalo. Les chefs d'Etat des pays africains figurant dans l'agenda du Conseil de sécurité ont également été conviés. Parmi eux, les présidents de la Somalie, Abdullahi Yusuf Ahmed, et de la Côte d'Ivoire, Laurent Gbagbo, ont répondu favorablement. Le président soudanais, Omar El Béchir, pourrait faire le déplacement, tandis que celui du Tchad, Idriss Deby, n'a pas fait connaître pour l'instant sa décision. Ahmed Ouyahia aura donc la charge de conduire la délégation algérienne à cette réunion de « chefs d'Etat » au lieu et place du président de la République, pris jusqu'à hier à Dakar par la réunion du comité ad hoc de l'Union africaine chargée du suivi du processus d'intégration du NEPAD. Ahmed Ouyahia, en fusible providentiel, palliera également la défection justifiée du ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, qui présentait lundi à Genève « la situation des droits de l'homme en Algérie » lors de la première session de l'examen périodique universel (EPU) du conseil des droits de l'homme de l'ONU. Il remplacera chemin faisant Abdelkader Messahel, ministre délégué aux Affaires africaines et maghrébines qui accompagnait au Sénégal le président de la République. Un « fusible » de haute facture s'il en est. Car ni les affaires africaines ni les coulisses onusiennes ne semblent avoir de secret pour lui : conseiller aux affaires étrangères à l'ambassade d'Algérie à Abidjan de 1981 à 1984, puis rejoint la mission permanente à l'ONU comme conseiller et représentant adjoint au Conseil de sécurité de 1984 à 1989. De 1990 à 1991, il est directeur général Afrique à l'administration centrale des AE, ambassadeur du Mali en 1992… Un CV certes riche, mais qui n'explique pas à lui seul cette nouvelle désignation, surtout à un tel niveau de représentation. Que s'est-il réellement passé entre les deux hommes, le président de la République et le patron du RND ? Que signifie ce retour « tout feux tout flamme », et par la grande porte diplomatique de l'ancien chef du gouvernement Ahmed Ouyahia, dégommé en juin 2007 et dont le parti politique a été laminé lors des élections législatives du 17 mai ? Un deal ? Personne n'est réellement en mesure de se prononcer. En tout cas, cette nouvelle désignation ne manquera certainement pas de faire grincer les dents au sein des partis de l'alliance présidentielle, le FLN en premier lieu, dont l'état-major voit d'un mauvais œil la propulsion au-devant de la scène de cet « ennemi intime ». Pas du tout épargné par les médias, le « soldat » Ahmed Ouyahia qui se définit comme un « commis de l'Etat » discipliné, « homme à tout à faire », « l'homme des basses besognes » se retrouve dans la cour des chefs d'Etat. L'homme se sentira pousser des ailes et pourquoi pas un autre destin.