La dispersion des courants modernistes durant les années 1970 et 1980 a largement profité au courant islamiste, en particulier son noyau salafiste. Profitant du vide politico-idéologique, ce courant est monté en puissance pour utiliser, à son profit, les mouvements de protestation sociale, les crises identitaires et surtout l'affrontement avec l'Occident. Le parti unique, traversé par une lame de fond islamo-conservatrice, a encouragé – par sa passivité – la montée en puissance de l'islamisme. Utilisant la violence pour arriver au pouvoir, ce mouvement finit par plonger le pays dans un bain de sang. Les Algériens découvrent alors le visage hideux du fanatisme religieux qui leur a fait cesser de voir en l'islamisme cette alternative à la crise d'un système rongé par la corruption. Dans le contexte actuel, notamment depuis les attentats du 11 septembre 2001, même les quelques partis ayant préféré le jeu démocratique à celui de la violence ont fini par perdre du terrain. Minés par des luttes intestines de leadership et sévèrement critiqués pour les bilans désastreux de leurs mandats électifs (communal, wilaya et Parlement), ces partis ont fini par s'effriter au fil du temps. Certains d'entre eux, totalement laminés, continuent d'exister parce qu'ils servent à légitimer les démarches politiques des pouvoirs publics à l'endroit d'enjeux stratégiques, sous prétexte que l'islamisme représente encore un courant important dans la société et dont il faut tenir compte. Un subterfuge fallacieux utilisé pour argumenter les présumés trois millions d'électeurs du parti dissous lors des élections de juin 1990, alors que tout le monde savait que le scrutin était un vote sanction (ceux qui avaient voté n'étaient pas nécessairement islamistes), manipulé par la fraude. Faut-il rappeler qu'une année après, durant les législatives de 1991, le parti dissous et en dépit de toute la fraude et les compromis avec les dirigeants de l'époque avait perdu un million de voix. Il s'agit d'un vote sanction. Aujourd'hui, tous les spécialistes s'accordent à affirmer que le réservoir électoral de la mouvance islamiste oscille entre 12 et 16% des voix exprimées dans les estimations les plus optimistes. Le MSP réinvente l'entrisme Les résultats des différents scrutins depuis 1991 prouvent que le courant islamiste a effectivement perdu du terrain. Ainsi, lors de l'élection présidentielle de 1995, le défunt Mahfoud Nahnah, chef de file du Mouvement de la société pour la paix (MSP), avait obtenu 2 971 974 voix, sur un suffrage exprimé de 11 619 532 voix, alors qu'en 1997, les deux partis islamistes (Ennahda et le MSP) avaient obtenu respectivement 12% des voix. Lors des législatives de 2002, les trois partis islamistes, Ennahda, MSP et Islah, avaient obtenu 16% des voix et, en 2004, à l'issue du scrutin présidentiel, Abdellah Djaballah avait obtenu 511 526, soit 5% des 10 179 702 voix exprimées. Le MSP était dans la coalition qui soutenait Bouteflika pour un second mandat. Les législatives de 2007 n'avaient pas permis aux trois formations islamistes (MSP, Islah et Ennahda) de dépasser la moyenne de 15% des suffrages. Les leaders de ces formations refusent de reconnaître cet échec. Ils se déclarent victimes d'une fraude systématique, utilisée par le système pour les maintenir dans une situation de minorité, sans aucune influence. Les crises internes qui ravagent les rangs des trois partis islamistes, Ennahda, Islah et le MSP, font partie, disent-ils, de cette politique de marginalisation. Mais les spécialistes ont une autre approche. Celle d'un mouvement en déclin qui ne disparaîtra pas, mais qui gardera une place non puissante, mais plus ou moins influente, dans la société eu égard à sa manipulation par le système pour des enjeux socio-politiques. Si Ennahda n'est aujourd'hui qu'une coquille vide, Islah de Djaballah et le MSP de Bouguerra Soltani sont au centre d'une crise profonde qui risque de désintégrer davantage leur base.