Surpris par l'ampleur des émeutes ayant secoué, deux jours durant, sa wilaya, Mohamed El Ghazi, wali de Chlef, explique les raisons ayant conduit, selon lui, à cette situation. Chlef et certaines des communes connaissent de violentes émeutes. A quoi est due, selon vous, cette colère des jeunes ? Je déplore ce qui s'est passé dimanche. Mais quoi qu'il puisse y avoir, cela ne peut pas justifier les manifestations qui se sont produites et les débordements qui ont eu lieu. A ce titre-là, je dirai qu'il y a eu, à la fois, une désinformation et des problèmes de communication entre les autorités et une frange de la population. L'élément déclencheur de ces événements est la présentation hier devant la justice d'un citoyen dont le procès a été programmé pour dimanche 20 avril, avant que ce procès ne soit renvoyé au 27 du même mois. Selon les informations que j'ai, ce citoyen a pris des contacts au niveau local et même au niveau d'Alger pour avoir des soutiens. C'est légitime pour un citoyen poursuivi en justice de vouloir chercher des soutiens. Cependant, je suppose que ni nous ni lui n'avions prévu ces débordements où des édifices publics ont été saccagés et détruits. C'est le fait de jeunes qui s'enthousiasment pour ce genre d'événements insolites. Donc, nous avons essayé de protéger les édifices publics et les biens des citoyens. Ce matin, jusqu'à maintenant, les choses sont rentrées dans l'ordre (l'entretien a été réalisé peu avant la reprise hier des manifestations ndlr). Je dois dire que les services de sécurité (gendarmes et policiers) ont procédé à différentes arrestations. Jusqu'à maintenant, nous avons libéré les personnes âgées et les mineurs pour apaiser la situation. Nous voulons aussi lancer un message à l'adresse de la population pour dire que nous n'agissons pas sous le coup de l'émotion, mais en tant que responsables. Combien de personnes ont été libérées jusqu'à maintenant ? Il y a environ une centaine entre adultes et mineurs. Je n'ai pas encore les chiffres exacts. Actuellement, les services de sécurité sont en train d'auditionner ceux qui ont été gardés. Les personnes prises en flagrant délit de destruction des édifices publics seront présentées à la justice. Même aujourd'hui, d'autres personnes vont être libérées. Ne seront gardés que les cas devant être traités par la justice. Les sinistrés du séisme de 1980, représentés par le président de l'association, Mohamed Yakoubi, poursuivi actuellement en justice, protestent contre la suppression de l'aide financière, prévue pourtant dans la loi de finances 2007. Pourquoi, selon vous, cette aide a-t-elle été annulée ? D'abord ce citoyen que je connais très bien et que je respecte beaucoup n'est pas président de cette association. Cette dernière n'existe pas. Il était membre d'une commission que j'avais présidée moi-même et qui a été instituée en 2005 pour tenter d'enclencher un dialogue entre les citoyens logés dans les logements préfabriqués et l'administration. Donc, de ce point de vue, il s'est octroyé la qualité du président d'une association qui n'a jamais existé. Toutefois, ce citoyen qui est M. Yakoubi, je dois le rencontrer aujourd'hui. On doit se voir pour essayer d'apaiser les choses. Je n'ai aucune animosité envers lui. Nous allons appeler ensemble à l'apaisement. Je dois dire que les problèmes qu'il a soulevés sont connus de tous et qu'ils existent depuis 2005. Il y a une différence de vision et d'appréciation. Je suis le représentant de l'Etat et je dois mettre en œuvre sa politique. Je ne commente pas, toutefois, les décisions prises dans le cadre de la loi de finances 2007. C'est-à-dire ? Il y a eu des décisions qui ont été prises, notamment l'article concernant l'aide avant que celui-ci ne soit amendé dans le cadre de la loi de finances complémentaire pour des raisons que je dirai objectives. Sans la volonté du président de la République, ce dossier n'aurait jamais été ouvert. Après avoir pris connaissance de la situation des citoyens de Chlef, le président a demandé l'éradication de ces habitations préfabriquées construites depuis plus de 25 ans. La mise en œuvre de cette décision a débuté en 2005. La première opération est le recensement des baraques, dont le nombre s'élève à plus de 18 000, dont 12 000 sont des propriétés privées. Il restait environ 6300 personnes qui sont des locataires de l'OPGI. L'Etat avait décidé à l'époque de prendre en charge tous les locataires à travers la construction d'une nouvelle ville à Chlef et une autre à Chettia. Pour les personnes ayant leurs propres propriétés, on a décidé de leur octroyer des crédits de 2 millions de dinars à taux bonifié. Mais il y a eu des gens qui ont contesté quelques minutes après cette décision, en disant qu'il n'y a pas de différence entre un locataire et un propriétaire. Je m'excuse, il y a une différence. Ils ne disposent pas des même droits. De l'autre côté, la décision concerne uniquement les sinistrés de 1980. Le ministre d'Etat l'a bien dit ici même à Chlef : les sinistrés nécessiteux seront pris en charge par l'Etat. Le dossier restera ouvert et les vrais sinistrés seront aidés. Car il faut dire que le nombre de logements détruits en 1980 était de 2000 logements et l'Etat a construit près de 20 000 chalets. Des citoyens qui n'ont rien à voir avec Chlef sont venus et ont bénéficé de ces habitations. Il y a eu même des spéculations autour de ces chalets. Justement, 28 ans après le séisme, le problème du relogement des sinistrés demeure toujours posé. Où se situe la faille ? Elle se situe dans le fait qu'il y a des gens qui ont pris en otage ce dossier et lui ont donné une connotation politique. Il y a des groupes qui parasitent ce dossier très sensible. Il y a un certain nombre de personnes ou de parties qui viennent à chaque fois contrarier l'avancée de ce dossier. L'administration est en train de respecter ses engagements concernant la réalisation des nouvelles villes que j'ai citées. Même pour les prêts bancaires, nous nous sommes entendus avec les banques pour accueillir les gens et leur faciliter la tâche pour bénéficier d'un crédit. Pour les familles nombreuses et dont les membres habitent tous dans le même chalet, la loi leur permet de déposer des dossiers pour bénéficier de différentes formules de logement. Vous ne croyez pas qu'il y a eu une fracture entre cette population et les autorités ? Il n'y a aucune fracture. Le preuve, je vais rencontrer M. Yakoubi avec qui j'ai une affaire en justice. Nous avons organisé à plusieurs reprises des rencontres avec des citoyens, des représentants de la société civile et même avec la presse. Il n'y a eu aucun problème. Mais je crois sincèrement que ce dossier est actuellement exploité à des fins politiciennes. Ce n'est pas moi le responsable de ce qui s'est passé. Ça c'est sûr. Les responsables sont ces personnes qui veulent que ce dossier n'avance pas.