Selon des responsables locaux, près de 70 000 personnes occupent actuellement les 20 000 chalets installés dans les différentes communes gravement touchées par le séisme. Ce sont les poursuites judiciaires engagées contre les représentants de ces sinistrés qui étaient l'élément déclencheur des événements. Chlef. De notre envoyé spécial Elles sont à l'origine des événements que connaît cette wilaya depuis trois jours. Les habitations préfabriquées octroyées, il y a plus de 27 ans, aux sinistrés du séisme ayant secoué la wilaya de Chlef en 1980 pour apaiser leurs souffrances sont, aujourd'hui, la source de leur révolte. Et comme la patience a toujours des limites, les occupants de ces chalets ne peuvent plus supporter. Ils se révoltent contre cette situation qui, selon eux, ne fait que noircir leur quotidien, déjà surchargé de problèmes de chômage et de pauvreté. « Moi et mes enfants, nous vivons un véritable enfer. En plus de leur vétusté, ces chalets sont à l'origine de maladies dont souffrent certains d'entre eux », nous déclare Mohamed, un vieillard de plus de 70 ans, qui nous a invité chez lui pour constater l'état de son chalet situé dans la commune de Chorfa (à quelques kilomètres seulement de la ville de Chlef). « La laine de verre mise entre les parois des chalets met en danger leurs occupants. Ma femme souffre actuellement d'asthme, car elle a respiré cette laine. Avec la vétusté des chalets, cette matière constitue un véritable danger pour la population », affirme, pour sa part, Abdelkader, la soixantaine, retraité. Des personnes comme Mohamed et Abdelkader sont nombreuses à Chlef. Elles se plaignent toutes du même problème. Selon des responsables locaux, près de 70 000 personnes occupent actuellement les 20 000 chalets installés dans les différentes communes, gravement touchées par le séisme. La question paraît vieille, mais les problèmes sont toujours d'actualité. Comme Chorfa, les quartiers de Ouled Mohamed, Radar, Lala Aouda, Hassania, El Hammadia, les frères Abad et la commune de Chettia connaissent les mêmes tourments. L'éclatement des manifestations a remis en avant le problème du nombre des sinistrés et celui des personnes éligibles à l'aide de l'Etat. La guerre des chiffres On n'arrive pas à se mettre d'accord sur cette question. Selon les autorités, le wali de Chlef, Mohamed Ghazi, et le ministre délégué chargé des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, « le nombre de sinistrés du séisme de 1980 est de 2000 personnes ». Un chiffre que conteste le président de l'association des sinistrés de 1980, Mohamed Yakoubi, qui était, à cette époque, élu APW et chargé, comme il le confirme, de distribuer les chalets aux victimes de la catastrophe. Selon lui, « le nombre de sinistrés est de 19 800 ». « Le séisme a causé, de surcroît, la mort de 4000 personnes et 98 disparus. En tout, 40 000 habitations ont été touchées », soutient-il devant la délégation ministérielle et le premier responsable de la wilaya. Les deux parties ne se sont entendues que sur une seule question : la totalité des chalets construits (20 000). Le traitement de ce dossier a beaucoup traîné. Entamé en 1986, lorsque les autorités ont décidé de reconstruire la ville de Chlef, le dossier est passé par plusieurs étapes. Vite arrêté, à l'époque, à cause de la crise financière qu'a connue le pays, la réouverture de ce chantier n'a eu lieu qu'au début des années 2000. Mais son traitement s'est fait à pas de tortue. Ce n'est qu'en 2005, à l'issue d'une visite présidentielle et sur insistance de la population locale que le dossier a été relancé sérieusement. « Récupération à des fins politiques ? » Vint alors la loi de finances 2007 et la disposition contenue dans son article 99, portant sur l'octroi d'une aide de 1 million de dinars aux personnes sinistrées pour la reconstruction de leurs maisons. Cet article porte aussi sur l'octroi d'un crédit de 1 million de dinars avec des taux d'intérêt bonifiés ne dépassant pas les 2%. La mesure, attestent les représentants de la société civile, a été applaudie par la population qui croyait que le moment est venu pour en finir avec la misère qui les a rongés pendant des années. Toutefois, leur espoir s'est vite dissipé, puisque la mesure a été annulée durant la même année dans le cadre de la loi de finances complémentaire. Et le mécontentement commence. Pour la population, « le crédit de 2 millions de dinars qui vient se substituer à l'aide annulée est difficile à rembourser et il n'est pas question de distribuer des logements selon le nombre de chalets ». La raison est, selon les personnes que nous avons rencontrées, simple : « Dans chaque habitation sont logées plus de quatre familles. Pas question alors de les tasser dans un F3 ou un F4. » Où est alors la solution ? Elle ne se profile pas encore à l'horizon. Ce sont les poursuites judiciaires engagées contre les représentants de ces sinistrés qui étaient l'élément déclencheur des événements. Mais pour les autorités locales, « il y a eu manipulation et le dossier a été pris en otage ». Le soutien apporté à la population par les députés du RCD est mal vu. « Il y a eu manipulation de ce dossier à des fins politiciennes », lance le wali en faisant allusion au RCD. Les élus de ce dernier ripostent aussitôt : « Il cherche des boucs émissaires. »