En 2008, la justice algérienne prononce toujours des peines d'emprisonnement à l'égard des journalistes. Cela ne risque-t-il pas de porter atteinte à la liberté de la presse ? Les peines de prison prononcées à l'encontre des journalistes dans l'exercice de leur fonction posent en réalité la question de la culture démocratique dans notre pays. Il est légitimement attendu de la justice que ses décisions, quant au délit de presse, constituent un véritable support à la citoyenneté en ce sens qu'elles doivent préserver le droit du citoyen d'être informé et le droit du journaliste d'exercer son métier en toute liberté. Or et jusqu'à ce jour, nous n'avons jamais vu un jugement ou un arrêt rendu à l'encontre des journalistes fondé sur la question de savoir si le journaliste est ou n'est pas dans son rôle lorsqu'il a écrit et publié tel article incriminé. C'est en motivant ses décisions sur le fond que le magistrat sera amené à défendre les fondements des principes démocratiques et ne jamais laisser porter atteinte à la liberté d'expression. C'est pourquoi il est scandaleux de continuer à traiter les journalistes comme des délinquants. Si le pouvoir politique laisse volontairement et délibérément ces questions continuer à relever du code pénal, il appartient aux juges de faire œuvre de jurisprudence et s'éviter de prononcer des peines de prison les faisant apparaître, à tort, comme les adversaires de la citoyenneté et de la liberté. Le code pénal est rejeté par tout le monde, y compris par les hommes de loi, notamment dans ses articles 144 et 144 bis et 146. Pourquoi et comment peut-on y remédier ? Depuis des années, nous n'avons pas manqué de soutenir et démontrer que ces dispositions vont dans le sens contraire du cours de l'histoire. Ces dispositions de droit commun qui s'appliquent actuellement aux journalistes font traiter ces derniers comme des délinquants. C'est non seulement inapproprié, mais surtout injuste. Ces dispositions sont un frein à la créativité et visent à susciter l'autocensure et, à défaut, instaurer une répression insupportable. Il y a lieu tout simplement, pour avancer, de soustraire les journalistes du champ d'application de ces textes, reconnaître et définir la notion de délit de presse et soumettre ce dernier à une loi spéciale afin de garantir la coexistence des libertés. La dépénalisation du délit de presse n'est apparemment pas pour demain. Pourquoi, à votre avis, un tel comportement envers les journalistes ? C'est surtout un problème de culture démocratique. De cette question relève l'avenir de la presse en Algérie. Le pouvoir pousse à continuer dans ces débats sans fin, alors que la presse a besoin de se parfaire, de s'améliorer, de se professionnaliser encore plus. En fait, ne pas dépénaliser est le meilleur frein à l'évolution qualitative de la presse. Le code pénal protège l'Etat de l'outrage, au moment où le journaliste trouve des difficultés à avoir accès à l'information. Ne faut-il pas une loi qui le mette à l'abri ? C'est justement ce que je viens d'évoquer. Non seulement mettre à l'abri le journaliste, mais aussi lui garantir le droit d'accès aux sources d'information. Il faut arrêter de regarder le journaliste comme un intrus. L'opinion a besoin d'être informée, la première des protections c'est l'accès aux sources, sans quoi, on laisse la place à la rumeur.