La guerre tant redoutée a éclaté », titrait le quotidien libanais L'Orient Le Jour hier, en synthétisant la situation dans la capitale Beyrouth et dans d'autres régions : combats de rue, snipers, combattants cagoulés, barricades, routes coupées, etc. Depuis mercredi, parallèlement à une grève du syndicat CGLT, des heurts ont éclaté dans Beyrouth entre partisans de l'opposition et de la majorité. Des affrontements qui se sont vite transformés en combats de rue, faisant renouer les Beyrouthis avec les scènes de la guerre civile (1975-1990). Depuis mercredi, ces combats ont déjà fait au moins 13 morts et plus de 20 blessés, selon des représentants des autorités, a rapporté, hier, Associated Press, alors que des combattants du Hezbollah ont pris le contrôle de plusieurs quartiers ouest de la capitale libanaise. Plusieurs médias occidentaux parlent d'« affrontements sectaires » entre les chiites et « leurs ennemis » sunnites, semblant oublier qu'il s'agit surtout d'un conflit politique. Le Hezbollah a investi les sièges des médias appartenant à Saâd Hariri, chef de file de la majorité au pouvoir, non reconnue par l'opposition. L'armée libanaise, traditionnellement chargée du maintien de l'ordre, et les forces anti-émeutes équipées de chars, patrouillaient les quartiers mais n'étaient pas intervenues dans les combats à l'arme automatique et aux roquettes RPG, particulièrement violents la veille. L'armée libanaise, qui a tenté de garder sa neutralité en s'interposant entre les belligérants sans ouvrir le feu, a ensuite pris en charge les sièges des médias pro-Hariri et des locaux du mouvement Futur, le parti du fils de feu Rafic Hariri. Une roquette a même touché le mur d'enceinte de la résidence de M. Hariri, selon son entourage. Hier, la route de l'aéroport, bloquée depuis mercredi, commençait à être dégagée par l'armée. Tout a commencé avec une guerre des mots entre le gouvernement Seniora, soutenu par l'Occident, et le Hezbollah. Jeudi, Hassan Nasrallah a qualifié de « déclaration de guerre », les accusations d'atteinte à la sûreté de l'Etat lancées par le gouvernement au sujet du réseau militaire de télécommunications du Hezbollah. Le gouvernement a également annoncé le limogeage, finalement annulé, du chef de la sécurité de l'aéroport international du Liban, soupçonné d'être lié au Hezbollah. Saâd Al Hariri a répondu à Nasrallah, en proposant un plan de sortie de crise qui qualifierait de « malentendu » la décision prise par le gouvernement, de démanteler le réseau de communications du Hezbollah. Ce dernier a refusé. Il s'agit d'une dangereuse escalade, alors que certains observateurs pariaient sur la reprise du dialogue entre les partis libanais inspirés par la proposition de Nebih Berri, président du Parlement, et un des porte-paroles de l'opposition. Hier, en fin de matinée, les combats semblaient avoir cessé dans la capitale libanaise, mais des témoins ont indiqué aux agences de presse, voir des hommes armés dans Beyrouth-ouest, le quartier mixte et commercial de la ville, non loin du Grand sérail (siège du gouvernement) et du Parlement.