La médersa El Thaâlibia : rares sont ceux qui en connaissent l'origine, bien que ses dômes badigeonnés en noir soient visibles de loin, sur le flanc ouest de la Casbah. Mitoyen du mausolée du saint patron d'Alger Sidi Abderrahmane, l'édifice inauguré en 1904 abrite aujourd'hui les bureaux de l'Office national de l'enseignement et de la formation à distance (ONEFD). Ouverte par l'administration coloniale à ceux qui se destinaient aux études juridiques, la médersa deviendra le lieu de la subversion nationaliste. L'endroit n'est pas « un lieu désincarné, mais celui où se rencontrent des médersiens liés par le savoir », fera remarquer hadj Meliani de l'université d'Oran. Il fut à cet effet cet espace où ont pu émerger des acteurs de la révolution et ceux qui auront à prendre en main plus tard les destinées de l'Algérie indépendante. Reste que cette fois-ci, l'Association des Amis de la Rampe Louni Arezki (ex-Valée), a pris l'initiative, en collaboration avec l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels protégés, de rendre hommage, jeudi dernier au palais El Menzeh, à celui qui reste la figure tutélaire de la médersa d'Alger : Mohamed Ben Cheneb Mohamed (1869-1929). Originaire de Médéa où a été d'abord menée l'expérience de la médersa. Bencheneb entra à l'Ecole supérieure de Bouzaréah et en sortira professeur d'arabe. Polyglotte confirmé, il saura gravir les échelons jusqu'à devenir enseignant à l'université d'Alger et aura à damer le pion à ceux des orientalistes. Hadj Miliani fera remarquer que Bencheneb a su faire le pied de nez à la tradition des copistes en choisissant de publier ses écrits, faisant sortir ainsi le savoir traditionnel du cercle restreint des élites. Les rapports avec l'establishment colonial et les islahistes de Ben Badis ne furent pas de tout repos. Le style d'architecture de la médersa, sise au 43 rue Bencheneb, fut aussi au centre des discussions des invités. Le secrétaire général de l'association relève que c'est le gouverneur général français Jonnart qui a pris l'initiative de construire l'édifice de la rampe, donnant naissance au courant néo-mauresque. Les uns rappelleront les visées « désarabisantes » de la France alors que hadj Miliani assure qu'il ne faut pas trop « en rajouter » puisque le colonialisme avait aussi d'autres objectifs économiques. M. Aït Aoudia, membre de l'association, fera remarquer que les jeunes ignorent l'homme de culture et n'en connaissent que le nom. Pour cela, il a été décidé d'accrocher son portrait dans l'espace central de la médersa et de déposer une gerbe de fleurs sur sa tombe dans la cour de la mosquée Sidi Abderrahmane. M. Hachi, directeur du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), assure par ailleurs que le ministère de la Culture compte rééditer les écrits de ce savant qui légua plusieurs ouvrages à la postérité.