Ils sont âgés entre 10 et 40 ans. Quotidiennement, tôt le matin et jusqu'à la tombée de la nuit, ils fréquentent la décharge publique de Berka Zerga, située dans la commune d'El Bouni. Ce sont des garçons que l'on appelle les « fouilleurs d'ordures ». Dans leurs « prospections », ils ramassent de tout, bottes baillant, clefs rouillées, ferraille et cuivre, plastique, outils en quantité, médicaments périmés et même des aliments pour leur famille. Les trouvailles intéressantes sont tenues au secret. Les « fouilleurs » préfèrent les laisser là où elles se trouvent, particulièrement lorsqu'il s'agit d'un cadavre de nouveau-né, ou de membres de corps humain amputés dans l'une des cliniques privées de la wilaya. Dans cette décharge, implantée à quelques kilomètres de la commune du chef-lieu de wilaya, l'on ne se préoccupe plus d'alerter les services de sécurité sur ces sinistres découvertes. Depuis l'âge de 10 ans, Radouane fréquente ce lieu de misère et de désolation. Apparemment maladif, il survit des « fruits » de ses recherches à main nue dans les tas d'ordures quotidiennement déversées par des dizaines de camions et tracteurs. Ils sont plus d'une centaine à vivre ainsi. Plusieurs sont atteints de différentes maladies, notamment de la peau ou pulmonaires. L'apparition de toute personne, hormis les conducteurs des camions ou tracteurs chargés d'ordures, les fait fuir. Radouane, flegmatique, et ayant une mauvaise mine dira : « Beaucoup de nos jeunes camarades, la plupart âgés de 20 ans et atteints de maladies diverses, sont décédés parce qu'ils n'avaient pas les moyens de se payer une visite médicale ou d'acheter les médicaments nécessaires. Nous sommes nés pour vivre dans ce dépotoir. C'est notre destinée et dans ce pays, rien ne nous en fera sortir ». Cependant, ces « chercheurs de trésor » ne sont pas les seuls. Ils se disputent le territoire de Berka Zerga avec un autre concurrent, et pas des moindres. Il s'agit de vaches laitières ; elles se nourrissent, à longueur de journée, des restes d'ordures, y compris hospitalières. A cet effet, une note a été mise en évidence la semaine dernière interdisant le déversement des déchets hospitaliers, et ce jusqu'à nouvel ordre.