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L'art et les manières
Béchar. 3e Festival du théâtre national professionnel
Publié dans El Watan le 01 - 06 - 2008

Aux troisième et quatrième jours du FNTP, il a été démontré une fois encore que, pour peu que son créateur ne soit pas maladroit, il y a peu de risques qu'un spectacle ne puisse pas passer la rampe lorsqu'il s'appuie sur un solide texte dramatique.
Cela s'est vérifié au détriment d'Ahmed Khoudi qui n'a pu réussir à s'exprimer avec une adaptation de Rapport dont vous êtes l'objet de Vaclav Havel, montée au sein du TR Béjaïa, un théâtre qui s'était pourtant illustré, l'année dernière, en remportant le grand prix du festival. Dommage pour ce dernier et pour Khoudi qui s'était, lui aussi, distingué lors des deux précédentes éditions du FNTP par trois mises en scène de bonne facture pour s'être coltiné des textes qui ont, par ailleurs, fait leurs preuves sur toutes les scènes du monde. Il n'a pu rééditer sa performance en partant de Etaqrir qui se nourrit d'une caricature de grotesque au travers d'une triviale outrance langagière, un comique qui ne puise sa sève ni de burlesques situations ni des fulgurances de mots d'esprit. Ce travers, le TR Oran y a échappé en donnant sa chance à un débutant, Yahia Benamar, avec Le Dernier Train de Chiem Van Howeninge, adapté par Belkeroui Abdelkader et Hammoumi Ahmed. Débarrassé des scories qui le lestaient lors de sa générale, le spectacle a été agréable à suivre grâce, en partie, à une belle scénographie. Cependant, en la signant lui-même, Benamar a perdu de vue la direction d'acteur, ce qui n'a pas favorisé une unité de jeu de ses interprètes. En effet, dans le rôle de Zeff, Hamouda Bachir s'est laissé emporter par sa fougue ; alors que Messoussa Naoual, plus juste dans l'incarnation de Mireille, a manqué de technicité. A titre comparatif, pour ceux qui ont vu la mise en scène effectuée dans les années 1990 par Saïd Benyoucef au sein de la compagnie Clin d'œil, la différence de traitement est notable. Dans la première, l'étrange, le métaphysique et la poésie y avaient le dessus, puisque les deux personnages se télescopant dans une gare, l'un en provenance de la fin du XXe siècle et l'autre de celle du XIXe, y perdaient leurs repères temporels. C'est par petites touches sémiologiques que s'y greffait le point de vue désabusé de l'auteur sur le temps et sur le monde moderne. Par contre, dans la version TRO, seul Zeff est désemparé, victime d'une modernité dévoyée, cela pour avoir vécu au delà du XIXe siècle. Ceci étant dit pour les spectacles présentés en compétition au TNA, à la salle El Mougar, le off se décline loin de l'agitation du in. Les spectacles y convoquent cependant la même thématique. Présentée par Masrah el Kassaba de Ramallah, La Maison de poupée d'Henrik Ibsen, adaptée et mise en scène par George Ibrahim, véhicule l'idée que la femme dans le monde arabe est dans la même condition d'infériorité sociale que la femme européenne du XIXe siècle. Dans ce spectacle, Ibrahim a inscrit deux succulentes trouvailles scéniques, la première pour introduire un effet de distanciation en figurant le hors-champ. Le second effet tient en ce que le personnage de la servante est privé de parole et de déplacement, assise qu'elle est sur un siège tenant un violoncelle pour en jouer ses dires et actions. Question interprétation, le déséquilibre est notable entre Nora (Hanan Hilou), mieux campée et son époux incarné (Kamal Al Bacha) de façon moins convaincante. Celui du docteur (Khalid Massaou) est si bien servi qu'il frise le numéro d'acteur. Le lendemain, le public était convié à un véritable poème visuel où l'émotion fleure à gros bouillons. Un personnage, dédoublé en plusieurs, raconte au moyen du chant, de la chorégraphie, de la pantomime et de la poésie, toute l'horreur et la tragédie du siècle, le tout soutenu par une musique dont parfois la rythmique transperce douloureusement le corps des personnages et, parfois, leur donne matière à délivrance extatique. Le lieu figuré est un lieu de désolation où la mort a sévi. çà et là sont disposées des mottes de sable portant chacune, sur son dôme, une chandelle. Eparpillées comme pour effacer la barbarie que leur présence rappelle, elles se transforment en désert de sable, « un désert interdit ».

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