Ils ne sont que dix pays à monopoliser 70% des importations algériennes en agroalimentaire, à leur tête la France avec 20%, suivie des Etats-Unis et de l'Argentine. L'Argentine est le pays qui gagne le plus rapidement les parts dans le marché algérien. Hier, lors d'un séminaire sur « les synergies fertiles » entre l'agriculture et l'industrie, organisé à l'hôtel El Aurassi, à Alger, par le Forum des chefs d'entreprises (FCE) et la Chambre nationale d'agriculture (CNA), un état des lieux a été dressé par le représentant du ministère de l'Industrie et la Promotion des investissements. Il en ressort que dix produits dominent à 78% les importations agroalimentaires. Il s'agit principalement du blé à 27%, du lait à 15%, du sucre à 8%, et du maïs à 8%. Selon cette étude, 54% du tissu industriel est occupé par l'agroalimentaire. « Ces trois dernières années, la croissance de ce secteur, faiblement intégré, a baissé pour se stabiliser autour de 1%. Mais sa part dans la valeur ajoutée totale de l'industrie nationale s'approche de 41% », a précisé le conférencier. Selon lui, le privé national domine à 80% le secteur agroalimentaire. Secteur qui, selon Réda Hamiani, président du FCE, n'est pas correctement lié à l'agriculture. « On veut que notre agroindustrie soit en phase pour son développement et son expansion avec le secteur productif national et non pas branché avec les marchés étrangers. On veut trouver un lien entre ceux qui fabriquent la purée et les chips et les agriculteurs », a-t-il expliqué à la presse. D'après lui, le secteur agroalimentaire s'est développé en important ses inputs. Il a parlé de « désancrage » qui a conduit à des « dysfonctionnements ». « Nous importons de plus en plus de concentré de tomate alors que des capacités nationales sont mises à l'arrêt (...) Que la production du lait cru, qui avoisine les 2,5 milliards de litres en 2008, ne trouve de réseau de collecte organisé que pour 650 000 litres », a-t-il relevé. Pour Réda Hamiani, il faut donner un sens concret à la sécurité alimentaire. « Certes, ce concept est affiché depuis de longues années comme un objectif de la politique économique nationale, mais aucune définition précise n'en a été donnée jusqu'ici et, surtout, sa traduction en termes d'objectifs concertés à cibler », a-t-il expliqué. Il trouve anormal que l'Algérie dépende pour 70% de ses besoins du marché extérieur. « Il ne faut pas rêver en parlant d'indépendance alimentaire. Ce qui nous intéresse maintenant, c'est d'avoir une sécurité alimentaire. On est capable de produire ce qui est nécessaire par rapport au climat et à la pluviométrie. On ne peut pas avoir la prétention de tout faire », nous a-t-il déclaré. Il est important, à ses yeux, de créer un mouvement qui fait que les besoins du secteur agroalimentaire soient satisfaits par la production locale. L'un des buts du séminaire est de nouer des partenariats entre l'aval et l'amont. Les débats se sont déroulés sous forme d'ateliers (lait, pomme de terre, huiles, céréales, dattes, viandes, tomate industrielle). La production agricole totale a chuté de 30%, ces 30 dernières années, d'après Hocine Abdelghafour, directeur des études au ministère de l'Agriculture et du Développement rural. Selon lui, le plan national de développement agricole et rural (PNDRA), lancé en 2000, est intervenu au moment où tout était acheté à l'extérieur. « Nous avons tracé comme cible de produire tous azimuts. Ce qui fait qu'il y a eu des ratés. Cela dit, la crise de la pomme de terre n'est pas propre à l'Algérie. Mais en termes de quantité, nous avons de la production. Il y a des fruits et des légumes à longueur d'année. Maintenant, pour les prix, c'est le reflet de ce qui se passe dans le monde », a-t-il expliqué aux journalistes. Le PNDRA, selon Omar Aït Ameur, autre représentant du département de Saïd Barkat, a consommé en sept ans 400 milliards de dinars. « Mais la part de l'agriculture demeure toujours faible dans le budget de l'Etat, avec 3% seulement », a-t-il noté. Il a relevé que durant cette période, 428 000 exploitations ont été « modernisées » et 500 000 hectares mis en valeur. Reste que sur les 8,5 millions d'hectares cultivables, il existe, selon Hocine Abdelghafour, que 1,2 million d'hectares qui sont les plus aptes à l'agriculture et qui sont dans les plaines du littoral, comme la Mitidja. « Ces terres sont une mosaïque de petites parcelles harcelées par les nuisances de l'habitat (...). Nous allons, pour les besoins du développement, consommer des terres, mais il faut aller ailleurs, même si ça coûte plus cher, aller vers le Sud, vers les Hauts Plateaux. L'Algérie est un pays vaste, mais il faut éviter les meilleures terres qui doivent être protégées », a-t-il conseillé. Optimiste, il a relevé que la production de la pomme de terre a été multipliée par deux. « De plus, la production des céréales a augmenté de plus de 9 millions de quintaux. Il est impossible que nous puissions produire tout notre blé. Il n'y qu'à voir des pays comparables à nous, comme l'Egypte, la Tunisie et le Maroc, qui sont importateurs de blé. On va continuer à dépendre de l'extérieur en matière de blé », a précisé Hocine Abdelghafour. L'Algérie devrait produire, vers 2015, 80 millions de quintaux de blé. Pour ce qui est du lait, il y a des possibilités d'amélioration, mais limitées. La raison ? « Produire du lait exige beaucoup d'eau et des fourrages. L'eau est une source rare chez nous. On ne peut pas aller plus loin », a-t-il indiqué. L'agriculture algérienne a, selon lui, des atouts comme la production bio de qualité à l'image des fruits et des légumes. « Notre climat, qui a des aspects positifs aussi, permet de produire certains fruits et légumes à des périodes favorables et qu'on peut placer dans les marchés », a-t-il appuyé. Réda Hamiani a, pour sa part, souhaité que les lois d'orientation agricole et foncière, qui seraient finalisées, soient présentées au Parlement. Des lois censées trouver des « solutions adaptées » au foncier agricole, « question clé qui est au cœur de toute la problématique du développement de l'agriculture ».