Boubekeur Benbouzid est un ministre comblé. Comblé non parce qu'il est toujours en poste, à l'éducation nationale — il est ministre depuis 1993 , mais parce que, dit-il, les objectifs de la réforme éducative sont en bonne voie de concrétisation. Hier, lors de la conférence nationale des directeurs de l'éducation, Benbouzid a manqué de peu la jubilation. Arrivé, frais (mais avec une heure de retard), à l'ITE de Ben Aknoun, où l'attendaient studieux ses directeurs centraux et les directeurs de wilaya de l'éducation, le ministre a longuement disserté sur les bienfaits de sa réforme. Son long discours servi dans une langue hybride, arabe classique, arabe populaire et langue de Molière, était religieusement suivi par ses subalternes et aides de camp. « Cette année, on a eu un bac parfait. On a un taux de réussite au BEM le plus élevé depuis l'indépendance : 68% de réussite. Au primaire, nous en sommes à 97,5%, mais c'est insuffisant : je veux un 100%. » De l'autoglorification ? Sans doute et plus si affinités. Le ministre cite un article du New York Times qui, selon lui, place les programmes scolaires algériens en tête pour toute la région du Maghreb. L'Unesco et d'autres organisations qu'il ne cite pas « reconnaissent », d'après l'indéboulonnable vizir, la bonne qualité des programmes nationaux. Ses minutes d'euphorie passées, il revient à de meilleurs sentiments. Il exhorte ses collaborateurs à passer à un autre niveau de gestion. « 2009 doit être l'année de la gestion qualitative », déclare-t-il. La prochaine rentrée scolaire, prévient le ministre, sera « particulièrement difficile ». Plus de 8 millions d'élèves en tout (4,3 millions dans le palier moyen, 3,2 dans le primaire, 1 million pour le secondaire et auxquels s'ajoutent 433 000 élèves en classe préparatoire). L'exercice 2008-2009, une année charnière en politique, mais aussi pour l'éducation qui verra, entre autres, l'introduction de nouvelles matières, « l'enseignement des valeurs morales », en plus de l'éducation civique, de la généralisation du préparatoire et de la mise en œuvre de la loi d'orientation de l'éducation nationale. La réforme, s'amuse le ministre, ce n'est pas une « danse du ventre ». La « danse du ventre » et le « bac politique » Les « 40 points de la réforme », telle qu'elle est pensée et exécutée par Benbouzid, doivent ainsi impérativement trouver leur place dans l'école algérienne et ce avant l'échéancier de (avril) 2009. Peu de temps sépare donc l'homme de son délai (ou destin). D'où peut-être le « trouble » qui s'empare du ministre de l'Education nationale. Un ministre qui s'est plu à se définir hier comme un « enfant du système » probablement pour mieux se prémunir d'un éventuel retour de manivelle en cas d'échec patent. Aux directeurs de l'éducation, Benbouzid ordonne, sur le ton de la menace à peine voilée, de boucler avant août les préparatifs de la prochaine rentrée scolaire. « Les défaillants ne prendront pas leur congé. Ils resteront avec nous jusqu'à ce qu'ils aient tout ficelé », menace-t-il. Dans la salle de classe, quelques chuchotements de mécontents. Le ministre prend à partie les gestionnaires « déficients ». Benbouzid dit ne plus tolérer à l'avenir le « laisser-aller » et l'« abandon de poste ». « On doit régler nos problèmes maintenant. Pas en septembre. Nous avons préparé 59 millions d'exemplaires de manuels scolaires, toutes filières confondues. 156 titres en tout, dont 151 sont déjà corrigés », déclare Benbouzid. La loi de finances complémentaire accorde, d'après le ministre, 60 milliards de centimes aux directions de wilaya pour équiper à la prochaine rentrée scolaire les écoles préparatoires. Le « préparatoire » deviendra obligatoire dans trois ans. 6,5 milliards de dinars, c'est la facture astronomique réservée cette année pour les manuels scolaires. Ils seront « gratuits » pour les « pauvres » et « obligatoires » pour tous, précise le conférencier. « En 2005, les journalistes m'avaient ri au nez quand je leur ai dit que j'allais régler d'ici quelques années le problème récurrent de la disponibilité des manuels scolaires. Voyez le résultat maintenant ! », proclame, fier, le ministre de la République. Réussir la prochaine rentrée scolaire semble être un enjeu de taille pour le gouvernement, d'où la nécessité, pour lui, de régler par anticipation toutes les questions pendantes. Il en est ainsi du déficit en encadrement pédagogique, hantise de l'école algérienne. Le ministre, qui n'a pas peur des chiffres ronds, annonçait lors de cette conférence qu'un recrutement « massif » allait avoir lieu « par concours » avant la fin du mois de juillet. 26 000 postes budgétaires, annonce Benbouzid, débloqués à la faveur de la loi de finances complémentaire. Un recrutement de cette ampleur, s'il s'avère véridique, est une première dans l'histoire de ce pays. Ces nouveaux postes, précise le ministre, seront affectés essentiellement pour le palier moyen. Un palier qui concentre, suite à la suppression de la 6e année primaire, le plus gros effectif d'élèves avec 4 300 000 élèves. Les remplaçants comme les vacataires du secteur de l'éducation ne recevront aucun traitement de faveur, d'après le ministre. Ces milliers d'employés précaires laissés en rade depuis des années devront passer le concours de recrutement. « C'est la Fonction publique qui décide. Pas moi », répond, évasif, Benbouzid. Presque un millier, 970 plus exactement, d'inspecteurs seront recrutés également. La rentrée se fera, aux dires de Benbouzid, au mois de septembre, affirmant que son administration n'a pas de « problème avec le Ramadhan (mois de carême) ». Les résultats du bac seront rendus publics ce 10 juillet. Une chose est certaine, dit Benbouzid, « le bac ne sera pas politique. On le gagne à la sueur de son front ou avec l'aide de Dieu ».