Tout récemment, dans un marché d'un populeux quartier de la ville d'Oran, une échauffourée a dégénéré en bagarre générale. Les deux camps étaient constitués de marchands à la sauvette d'un côté et de vendeurs tenant boutique de l'autre. Pour tel vendeur de denrées alimentaires, les marchands ambulants ne sont, ni plus, ni moins, « qu'une bande de rapaces qui nous ôtent le pain de la bouche. (…) Ils disposent leurs marchandises tout près de nos étals et s'arrogent le droit de casser les prix. » Réponse du berger à la bergère : « Ce n'est pas vrai. Si la plupart des gens préfèrent acheter nos produits, c'est parce que nous pratiquons des prix abordables. » Avis divergents et contradictoires, il n'en reste pas moins que les ménagères, elles, sont unanimes à penser que les prix proposés par les vendeurs à la sauvette sont plus accessibles. « Ils nous permettent d'effectuer quelques rajouts sur nos emplettes. C'est une économie de bouts de chandelles, mais nous nous en accommodons bien », tiennent-elles à préciser. Appliquant la politique de l'offre quantitative, les vendeurs arrivent à écouler rapidement leurs produits sous le regard haineux des commerçants installés. Sur ce plan, le foisonnement des marchands ambulants (ou vendeurs à la sauvette) enregistre une nette recrudescence, un phénomène social aussi vieux que M'dina J'dida. Se convertir en vendeurs Cette situation est indubitablement liée aux méfaits du chômage, dont la jeunesse est la victime toute désignée. Parmi cette frange de la société qui a « choisi » de faire ce « métier », ils sont nombreux à détenir au moins un diplôme du CFPA, voire la licence. Pour de nombreux jeunes et moins jeunes, les aspects négatifs ou les étapes négatives socio-économiques les ont conduits à se convertir en vendeurs à la sauvette. Et ce n'est pas sans un certain désarroi que les commerçants –propriétaires des lieux et donc assujettis à l'impôt fiscal-, vivent cette situation pour eux synonyme de concurrence déloyale. La plupart de nos marchés vivent ces drôles de petites guéguerres que se livrent ambulants et sédentaires. Cet état de fait dérange les propriétaires des lieux qui paient patente et impôt. La force publique, appelée à chaque fois à la rescousse par les commerçants, applique la loi dans toute sa rigueur. « Nous enregistrons une centaine d'infractions par jour. La confiscation des produits des vendeurs à la sauvette constitue tout simplement un ajournement du problème », affirme un brigadier de police. Devant cette cascade de déboires, la joie n'est pas de mise parmi les commerçants qui tiennent boutique. Paniqués, ils assistent impuissants à la « guerre des trottoirs » que leur disputent, quotidiennement, les marchands ambulants qui revendiquent, eux aussi, une petite place au soleil.