Rien ne semble arrêter les Etats-unis, même si le président George Bush fait déjà ses adieux. Ce qui ne l'empêche pas d'aller au fond de son programme d'armement même si cela doit mécontenter son partenaire russe, et réveiller les vieux démons de la guerre froide. En effet, le gouvernement tchèque se prépare à contresigner ,aujourd'hui, l'accord de principe sur le déploiement du bouclier américain sur son territoire, malgré la forte opposition de son opinion publique. Le traité prévoyant l'installation d'un radar destiné à être couplé avec une rampe de tir antimissile, peut-être en Pologne voisine, sera signé à Prague par le ministre des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg et la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice. Les mouvements pacifistes, qui ont multiplié les actions ces derniers mois, ont prévu de manifester pour l'occasion. Les sondages montrent régulièrement que deux-tiers des Tchèques sont contre le projet de ce radar. Le premier ministre libéral, Mirek Topolanek, dont les sentiments pro-américains sont aussi forts que ses réserves vis-à-vis de l'Europe, avait proposé, dès sa nomination à la tête du gouvernement, de participer au système de défense américain. Un vrai choix stratégique, alors que pendant quarante ans son pays, aujourd'hui membre de l'UE et de l'OTAN, a été soumis à la tutelle soviétique, jusqu'à la chute du communisme en 1989. Rien ne garantit, cependant, que le traité obtienne les voix requises pour la ratification par les deux chambres du parlement. Pour l'opposition social-démocrate, l'accord contredit les engagements européens de la République tchèque et le principe d'une défense commune européenne. L'opposition questionne aussi de l'utilité d'un radar qui ne serait pas couplé avec une rampe antimissile, alors que les négociations menées par Washington avec Varsovie achoppent encore sur la demande des Polonais, d'une présence permanente de systèmes de défense anti-aérienne de type Patriot. A cela, s'ajoutent les craintes suscitées par les mises en garde de la Russie, qui voit d'un très mauvais œil l'installation d'une base américaine dans son ancienne zone d'influence. Le président russe, Dmitri Medvedev, prenant ses marques lors de son premier sommet du G8, a, d'ailleurs, haussé le ton, hier, face à George W. Bush sur cette question mais a promis de coopérer dans la crise du nucléaire iranien. Emboîtant le pas à son prédécesseur Vladimir Poutine, il a exprimé de « sérieuses inquiétudes » quant au projet de bouclier en Europe et à son possible déploiement en Lituanie, ex-république soviétique, aux portes de la Russie. « Ceci est absolument inacceptable », a lancé M. Medvedev. Devant les difficultés à conclure un accord avec Varsovie, Washington a entamé des discussions en juin dernier, pour voir si Vilnius pourrait prendre le relais en cas d'échec, de quoi exaspérer un peu plus les Russes. La Russie voit dans ce bouclier une menace directe pour sa dissuasion nucléaire. Washington assure, pour sa part, que son projet antimissile ne vise pas Moscou, mais est destiné à parer des attaques de pays « voyous » comme l'Iran. Sur sa lancée, le président russe a également déploré « l'absence de réels progrès » dans les négociations avec Washington sur le bouclier, alors que les Américains ont proposé aux Russes d'avoir des inspecteurs sur les sites et de coopérer sur la défense antimissile, afin d'apaiser leurs inquiétudes. La Russie ne « comprend pas comment le principe de transparence sera mis en œuvre », a relevé un de ses proches, tout en saluant une volonté de « dialogue » des Américains. Commentant les propos de son interlocuteur, M. Bush a dit de lui « qu'il est très à l'aise, confiant, et qu'il pense ce qu'il dit ». Le propos ou compliment s'adresse aussi au successeur de Bush. Pour ainsi dire, même le président russe semblait prendre de l'avance sur cette succession, qui interviendra au début de l'année prochaine, en rappelant au futur occupant de la Maison-Blanche un volet de la stratégie russe ou encore un volet des relations russo-américaines.