C'est demain que l'Assemblée générale de l'ONU entame une nouvelle session. D'ores et déjà, la feuille de route va être débordée, avec un thème qui se veut majeur si quelque partie que ce soit prend sur elle de le soulever, ce qui semble hautement improbable. Même chauds et intenses, les débats s'articuleront autour de quelques échanges que permet une première lecture du conflit entre la Géorgie et la Russie. D'aucuns auraient aimé lui substituer un intitulé plus précis et qui concerne l'ordre mondial, avec les revendications portées depuis peu par la Russie. Ce qui est sûr, c'est que le président américain, George W. Bush, en parlera dans son discours devant l'ONU, mardi, disant qu'une « invasion » comme celle de la Géorgie est une pratique du passé et exhortera la Russie à tenir ses engagements sur le retrait de ses troupes. Loin de répondre aux accusations russes, M. Bush délivrera un triple message, a dit son conseiller à la sécurité nationale, Stephen Hadley. Il assurera la Géorgie de la poursuite du soutien américain, et « il appellera les autres pays à soutenir de la même manière la Géorgie », a dit M. Hadley. Quant au président géorgien, Mikheïl Saakachvili, il a déclaré vendredi qu'il allait « lancer un appel à l'aide de la communauté internationale » lors d'un discours depuis la tribune des Nations unies. « Nous allons parler devant l'Assemblée générale de l'agression russe, et du nettoyage ethnique », a-t-il dit. La Géorgie accuse la Russie de « nettoyage ethnique » dans ses républiques séparatistes d'Ossétie du Sud et en Abkhazie, et a demandé à la Cour internationale de justice de La Haye d'ordonner d'urgence à Moscou d'y mettre fin. Tbilissi estime à 150 000 le nombre total de Géorgiens déplacés depuis l'intervention militaire russe en Ossétie du Sud le 8 août, en riposte à une tentative manquée de Tbilissi de reprendre le contrôle de ce territoire séparatiste. Réagissant au discours très critique à l'égard de Moscou prononcé jeudi par la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, M. Saakachvili a estimé qu'il prouvait qu' « on assiste à une nouvelle ère des relations internationales, et à un nouvel ordre mondial ». Mme Rice a accusé la Russie d'être de plus en plus « autoritaire » et « agressive », appelant les Européens à l'unité pour l'empêcher de « tirer un quelconque bénéfice de son agression » en Géorgie. Concernant justement les propos de Mme Rice, la Russie a accusé vendredi les Etats-Unis de « déformation grossière » des faits et fustigé la secrétaire d'Etat américaine, mais a rejeté toute logique de « confrontation » et de guerre froide. « Ce n'est pas la première fois que dans un discours d'un dirigeant américain les événements provoqués par l'agression de la Géorgie contre l'Ossétie du Sud sont grossièrement déformés », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères. Dans un communiqué de quatre pages ce qui est extrêmement rare qui s'en prend en des termes peu amènes à la dirigeante américaine, le ministère a affirmé n'avoir été surpris ni par le ton ni par le contenu du discours de Mme Rice que Moscou attribue au soutien de Washington au régime géorgien « corrompu ». En volant au secours de la Géorgie, a répliqué le ministère russe, les Etats-Unis ont choisi une approche « exclusivement géopolitique », qui ressemble à une logique de la guerre froide selon laquelle « ce qui est bon pour l'un est mauvais pour l'autre ». Dans ce chapitre volumineux, mais pas très convaincant pour nombre d'analystes, l'Otan a démenti avoir provoqué ce conflit, comme l'en a accusé le président russe Dmitri Medvedev. Le secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, a exprimé la « pleine solidarité » de l'Alliance à la Géorgie. Ce mini sommet, qui avait débuté jeudi soir par un dîner des 26 ministres de la Défense, dont l'Américain Robert Gates, était le premier du genre depuis la guerre entre la Russie et la Géorgie en août. Et probablement, l'élément saillant de cette réunion est la signature par M. Gates et son homologue tchèque, Vlasta Parkanova, de l'accord militaire SOFA (Status of Force Agreement), qui autorise le déploiement de soldats américains sur le sol tchèque dans le cadre de l'extension du bouclier antimissile américain. « Qu'a décidé l'Otan ? Qu'a-t-elle garanti ? Elle n'a fait que provoquer le conflit, c'est tout », avait auparavant lancé M. Medvedev. Jeudi, MM. Scheffer et Gates s'étaient chacun montrés plutôt conciliants à l'égard de Moscou. M. Gates avait, lui, estimé que l'Otan devait « agir avec prudence car il y a clairement des divergences d'opinion au sein de l'Alliance sur la manière de répondre », citant notamment les pays baltes et ceux de l'Europe de l'Est. Et la Russie compte justement sur ces divisions, reprenant presque cette image de la vieille et ancienne Europe, déclarant que la première est plus consciente des intérêts du vieux continent, contrairement à l'autre qu'elle tient en suspicion. Sans être exhaustifs, les éléments du débat sont ainsi livrés, avec beaucoup de non dits et de zones d'ombre. Mais il ne risque pas d'accaparer l'essentiel des travaux de cette session.