Noir est le tableau qu'a brossé hier Karim Tabbou, premier secrétaire du FFS, de la situation politique, sociale et économique du pays. L'orateur n'a pas été tendre, lors de sa conférence de presse animée au siège du parti, à l'égard du chef du gouvernement. M. Tabbou a dit également « douter » de l'algérianité de certains gestionnaires qu'il accuse, au passage, de vouloir hypothéquer l'avenir du pays, allusion faite à la loi domaniale. Karim Tabbou est revenu, en outre, sur l'initiative politique lancée en septembre 2007 par trois personnalités politiques (Hocine Aït Ahmed, Mouloud Hamrouche et Abdelhamid Mehri). Une initiative qui se concrétisera sur le terrain, selon le représentant du FFS, incessamment, d'autant plus que la population et les acteurs sociaux sont dans l'attente d'une alternative sérieuse. Dans sa longue plaidoirie, M. Tabbou fera remarquer que la nomination d'Ahmed Ouyahia, à la réputation « d'homme de poigne et d'homme sans état d'âme », à la tête du gouvernement a poussé les algériens à revendiquer aujourd'hui plus que jamais un changement sérieux et une solution politique. M. Tabbou a expliqué que le changement à la tête du gouvernement et les remaniements partiels laissent intactes les équations politiques de fond, lesquelles ne sont, selon lui, qu'une tentative de brouiller les cartes sur les plans à la fois intérieur qu'extérieur. L'initiative des « trois » est, de l'avis du FFS, un tournant décisif dans la vie des algériens. Elle s'impose actuellement, d'où la multiplication des contacts entre le FFS, Mouloud Hamrouche et Abdelhamid Mehri. Dans ce sillage, une tradition de concertation permanente s'est instaurée, selon M. Tabbou, entre les trois parties sur tous les projets politiques d'actualité, et ce, afin de lever toutes les incompréhensions et de déblayer le terrain pour asseoir cette initiative. « De vraies discussions autour du sujet sont engagées et les objectifs sont déjà fixés. L'initiative n'est pas destinée à contrecarrer le troisième mandat, mais à provoquer un changement profond du système. La population, dans son ensemble, est en quête d'une alternative. Nous allons donc inviter toutes les compétences de divers horizons à participer à ce projet et nous allons faire des propositions », a soutenu K. Tabbou, sans aller en profondeur, ajoutant que « l'appel lancé par les trois a déjà eu un écho favorable d'où la réflexion de mettre en place en septembre prochain les modalités pratiques de cette initiative ». Les trois sont, selon les déclarations de Tabbou, d'accord sur l'analyse de la situation qui prévaut dans le pays. Les « trois » personnalités ont certes des itinéraires différents, sont issues de régions différentes et ont des visions divergentes, mais elles ont un dénominateur commun et un même objectif, à savoir la construction de l'unité nationale autour d'eux.« Il y a des forces qui poussent le pays à la dérive, à travers la révision constitutionnelle. Le pays est menacé de dislocation et certains appellent à l'autonomie de la Kabylie. » Ce sont, a-t-il dit, autant de facteurs inquiétants qui nous incitent à nous mobiliser et à agir dans l'immédiat pour mettre en place une véritable alternative au système actuel. « L'opposition de principe à la révision constitutionnelle et au 3e mandat ne doit pas faire perdre de vue que les véritables enjeux sont l'ouverture et l'organisation d'une vraie transition démocratique », soutient-il. Sur un autre registre, invité à donner son avis sur le discours du président à l'occasion du 5 juillet, M. Tabbou a relevé que le pays est devenu une « grosse barricade où la sécurité n'est pas à l'ordre du jour et où la paix n'est pas vécue par les algériens ». Il a, par ailleurs, tenu à relever les incohérences constatées dans le discours des responsables, à leur tête le premier magistrat du pays. « M. Bouteflika évoque les portes du pardon qui sont toujours ouvertes aux groupes armés, pendant que les portes du dialogue demeurent fermées aux syndicats autonomes », a souligné le conférencier, estimant que les relations entre les institutions et la société sont de l'ordre du conflit et de la violence nue et que la gestion du pays est réduite à l'impératif de fonctionnement. En bas, les institutions sont dans la léthargie, en attendant les arrangements d'en haut. Sur le plan économique, le désastre, de l'avis de M. Tabbou, est intégral. Aucun secteur d'activité n'y échappe. Pour lui, rien n'a pu être sauvé ou sauvegardé et, à plus forte raison, développé. « Le pays est sous la menace de la dépendance chronique et du chantage alimentaire. Cela pose une vraie question de souveraineté et de sécurité nationales et c'est une question de sous-développement durable », est persuadé le premier secrétaire du FFS, qui s'en prend dans la foulée aux députés et à la mission même de la Chambre basse. « L'Assemblée ne sert pas à débattre de sujets concernant le devenir du pays, c'est devenu plutôt un lieu de rencontres des charlatans du pouvoir... », a-t-il lancé. Par ailleurs, le FFS est en train d'étudier les dossiers de onze élus du RCD de la ville de Chlef qui ont démissionné de leur parti et qui veulent rejoindre les rangs du FFS. Notons que le parti d'Aït Ahmed a tenu, le week-end dernier, la session ordinaire du conseil national du parti.