L'Afrique est l'invitée permanente des rencontres annuelles du G8 des pays les plus industrialisés (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Russie) depuis le fameux sommet de Gênes en Italie, en 2001. Sommet qui a vu l'émergence du mouvement altermondialiste. A Hokkaïdo, au Japon, le continent donne toujours l'impression d'être en attente d'aide. Des aides qui tardent à venir. Le président sénégalais, Abdoulay Wade, a eu à le rappeler au sommet du Japon. « Tenez vos promesses », a-t-il lancé à l'adresse des pays riches. Hier, les membres du G8 ont encore une fois « promis » de débloquer 60 milliards de dollars dans les cinq prochaines années pour lutter contre les maladies comme le sida, sans autre précision. Une promesse qui traîne depuis le dernier sommet de Heiligendamm (Allemagne). En 2005, à Glenagles, en Grande-Bretagne, le G8 s'est engagé à accorder une assistance de 25 milliards de dollars pour l'Afrique. Aucun sou n'a été dépensé depuis ! Le Ghanéen Kofi Annan, ex-secrétaire général de l'ONU, qui préside le mécanisme de suivi de cette aide à travers l'Africa Progress Report, n'a pas fait trop de bruit pour protester. Le président algérien, qui était invité au sommet autant que celui du Sénégal, du Nigeria ou de l'Afrique du Sud, a rappelé, dans une intervention reprise par l'agence officielle APS, que « la mise en œuvre effective » des engagements pris par le G8 contribuera à la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) à l'horizon 2015. Les conditions économiques actuelles de l'Afrique ne permettent pas, selon lui, d'atteindre ces objectifs. Les OMD ? « Réduire l'extrême pauvreté et la faim, réduire la mortalité infantile, assurer l'éducation primaire pour tous, combattre le Sida et la paludisme et d'autres maladies, etc. » La famine qui s'installe en Somalie, pays livré à la guerre civile, est une preuve qu'aucun des ces objectifs n'a été réalisé. Les statistiques terrifiantes de la mortalité infantile renforce cette thèse : 182oo/o en Angola, 156oo/o au Sierra Leone, 143oo/o au Liberia, 115oo/o au Niger, 103oo/o au Mali, 100oo/o en Zambie et 93oo/o au Nigeria. Plus de 60% des malades du sida au monde sont en Afrique. Chaque année, 300 millions de cas de paludisme sont déclarés dans le monde, avec un million de décès. Presque 90% de ces décès surviennent en Afrique. Faut-il continuer à écouter les dirigeants du G8 ? Selon Abdelaziz Bouteflika, les préoccupations de l'Afrique restent « nombreuses et urgentes », leur prise en charge « interpelle d'abord les pays africains qui consentent de gros efforts (...) pour y répondre de la façon la plus adéquate ». L'Afrique aurait, d'après lui, fait des progrès en matière de bonne gouvernance, d'instauration de l'Etat de droit et de transparence dans la gestion des ressources publiques. Constat discutable. Comment expliquer que le Nigeria et l'Angola, qui sont des pays pétroliers, ont des taux aussi élevés de mortalité infantile ? Selon les rapports de Transparency International, une ONG spécialisée dans la lutte anticorruption, l'Afrique vient en tête du palmarès mondial des pots-de-vin. Une personne sur deux subit la corruption dans ce continent. Phénomène qui touche aussi des domaines sensibles tels que l'éducation et la santé ! Selon des experts, la corruption coûte à l'Afrique annuellement presque 150 milliards de dollars. L'opacité demeure une pratique courante dans la gestion des grandes rentrées d'argent dans les pays africains exportateurs de gaz, de pétrole, d'uranium, de diamants et de cacao. A cela s'ajoutent les dictatures qui soulignent l'inexistence de l'Etat de droit. Dernier exemple en date : le Zimbabwe, dont le président Robert Mugabe, 86 ans, s'accroche au pouvoir en usant de la violence contre ses opposants. Le G8 a évité d'évoquer des « sanctions » contre le régime de Harare. « Nous prendrons des mesures supplémentaires en introduisant notamment des mesures financières et autres contre les individus responsables de violences. Nous n'acceptons pas la légitimité de tout gouvernement qui ne reflète pas la volonté du peuple du Zimbabwe », annoncent les dirigeants du G8 dans une déclaration, reprise hier par les agences de presse. Les chefs d'Etat africains présents au sommet du G8 ont, eux, évacué de leurs discours la question de la démocratie, de son respect et de l'alternance au pouvoir dans le continent. Certains ont même protesté, en coulisses, contre la déclaration sur le Zimbabwe, soutenus par la Russie. A propos de la crise alimentaire mondiale, le G8 a demandé de mettre à la disposition des pays en difficulté les stocks excédentaires de nourriture sans perturber le flux commercial international. L'ONG britannique de lutte contre la faim Oxfam a qualifié l'attitude du G8 d'« hypocrite ». « Les dirigeants du monde entier doivent définir un plan d'action bien plus vaste. Jusqu'à présent, la réponse a été largement dominée par des paroles de compassion (...). Les politiciens des pays riches ne reconnaissent pas l'impact de leurs propres politiques déloyales », a estimé Jenny Heap, responsable à Oxfam.