Qui parmi les habitants de la commune d'Ain Bessem, les plus âgés , notamment, ayant vécu les affres d'une guerre sans merci menée par les tortionnaires de l'armée coloniale contre une population désarmée, ne se souvient de la date du 29 juin 1959 ? Cette date suffit à elle seule de soulever une vague de réprobation, tant que le crime commis n'aurait de qualificatif que celui de sauvagerie ravageuse. Le temps d'une nuit, en plein été où les vagues de sirocco écumaient les plaines fertiles des Aribes, la soldatesque française fomentait son complot et lâche sa hargne et sa boulimie sanguinaire. Plus de 150 personnes ont été arrêtées au cours d'une descente punitive opérée suite à des pertes énormes subies par les sbires de de Gaule. Le lendemain matin, jour de marché hebdomadaire, la population a été rassemblée à la place de la ville qui garde, à ce jour, les stigmates d'une hégémonie coloniale ayant fauché sur son passage tout signe de culture autochtone. Une dizaine de personnes, des paysans détenus au niveau du sinistre « 410 », ont été froidement abattues… le reste des détenus, comme ça a été toujours le cas, ont croupi durant plusieurs jours dans les geôles de l'occupant, subissant toutes formes de tortures et de sévices. L'un des survivants de cet horrible événement, Slimane Chettar racontait que la localité garde encore un souvenir amer de cette date. D'après lui, la fusillade avait eu lieu en présence d'une foule nombreuse de paysans rassemblés exprès pour assister au massacre. C'était une véritable boucherie, dira-t-il. Aïn Bessem, avec son architecture, ses fermes et ses ruelles ombragées, garde encore l'aspect colonial. « La ville n'a pas encore fait son deuil, et la population locale berce l'espoir de voir, un jour, son souvenir perpétué. En effet, cette date n'a été jusque-là célébrée que dans l'intimité », dit-il. Seuls les survivants en gardent le souvenir et se donnent rendez-vous, chaque année, pour se rassembler sur cette place et évoquer la bravoure des moudjahidine. L'événement avait été de tout temps occulté, affirme-t-on à Aïn Bessam. Les jeunes semblent complètement ignorer de quoi il s'agit. Effectivement, aucun indice et/ou de cérémonial officiel n'y est enregistré pour dépoussiérer ce passé glorieux. Un geste qui aurait pu être un témoignage ineffaçable de l'engagement indéfectible de la population de Aïn Bessam autour des idéaux de la Révolution et du combat libérateur. Certes un mémorial a été érigé sur place juste après l'Indépendance, mais abandonné aux aléas du temps et de l'oubli. Cette date a été donc, et depuis, célébrée par les seuls survivants de ces événements douloureux. Cette année, la ville de Aïn Bessem, s'apprête à la fêter avec le concours des autorités municipales. Bonne initiative appelée à être accompagnée d'un travail de mémoire devant retracer les contours de cet événement et le rendre lisible aux générations actuelles et montantes.