La ville des arcades et des glacis (Aïn Bessem, 25 km à l'ouest de Bouira) s'apprête à commémorer dans la douleur du souvenir, mais aussi dans le faste, le 10 juillet. Que s'est-il donc passé de si important à cette date qui ait mis la ville sens dessus dessous pour marquer cet événement de manière indélébile ? D'abord, tient à rectifier le P/APC que nous avons rencontré dans son bureau — en pleine réunion avec des anciens moudjahidine et responsables de l'ONM (Organisation nationale des moudjahidine) — l'événement historique en question ne s'est pas déroulé le 10 juillet, mais le 20 juin. En optant pour le 10 juillet, les organisateurs de cette cérémonie commémorative n'ont fait que se conformer à la volonté de l'état civil qui avait pris officiellement acte des faits à cette date. Mais, dès l'an prochain, promet ce responsable, la commémoration de cette date hautement symbolique pour toute la région s'effectuera le jour même où cet événement douloureux s'était produit. Endossant le rôle d'historien, Ali Drafli, une figure bien connue dans la région pour son implication armée et militante au sein de la Révolution de Novembre, présent à cette réunion, définit cet événement qui s'est produit le 29 juin 1959 comme un carnage. Pour se venger des nombreuses opérations menées de façon victorieuse par des commandos appartenant à l'ALN, l'armée coloniale qui a eu à déplorer chaque fois de lourdes pertes, a eu la lâcheté, ce vendredi 29 juin, jour de marché hebdomadaire de sortir tous les détenus du sinistre 410 (centre de détention et de torture) et de les mener sur cet espace découvert qui sert de marché, à l'ouest de la ville. Puis devant une partie de la population rassemblée, ce matin à l'aube, on a pris une dizaine parmi les prisonniers, on les a alignés le long d'un mur face au peloton d'exécution et on a ordonné à celui-ci de faire sa besogne… Le martyr Sekak, une autre figure de la révolution au niveau local, en tombant, a lancé, de façon qu'il soit entendu au loin : Vive l'Algérie, à bas le colonialisme, raconte le moudjahid. Le carré des martyrs où se célébrera cette année ce massacre perpétré par l'armée coloniale renferme 22 tombes ; mais selon le révolutionnaire Ali Drafli, la commune de Aïn Bessem compte quelque 1000 martyrs. Cette commémoration, selon lui, se veut surtout une réponse à Sarkozy, le président français, et un appel en sa direction pour que la France reconnaisse ses crimes coloniaux.