La venue de Mme Merkel réussira-t-elle à neutraliser certaines embûches et à mettre les opportunités de coopération dans les bonnes cases ? Il est attendu de cette visite qu'au moins un accord soit conclu : le projet de la Grande mosquée d'Alger, cher au président Bouteflika. Angela Merkel sera aujourd'hui à Alger pour redonner un nouveau souffle à la coopération algéro-allemande. S'ils sont liés par des dizaines d'accords, les deux pays n'arrivent parfois pas à parler le même langage sur la manière de rendre plus forte et visible cette coopération. Preuve en est : la chancelière allemande a insisté à venir en Algérie après le sommet fondateur de l'Union pour la Méditerranée (UPM) de Paris sans qu'à Alger en donne l'impression de vouloir mettre du contenu à cette visite, la deuxième que fait Angela Merkel dans un pays arabe, après l'Egypte. Cette indolence est-elle née de la moiteur de l'été ? Est-elle liée à l'agenda chargé du président de la République ou plutôt à des considérations plus profondes qui sont à mettre sur le compte de lobbies hostiles au grand intérêt de l'Allemagne porté à l'Algérie ces dernières années ? Jusqu'à hier soir, la visite d'Angela Merkel en Algérie n'a pas été annoncée officiellement par Alger. A Berlin, on est conscient de cette situation qui ressemble à du blocage, mais qui ne l'est pas. Et on espère que la venue d'Angela Merkel va neutraliser certaines embûches et mettre les opportunités de coopération dans les bonnes cases. Au-delà des « entretiens politiques » qu'aura la chancelière allemande avec le président Abdelaziz Bouteflika et des discussions prévues avec des représentants de la société civile, il est attendu que cette visite soit au moins conclue avec un accord, celui relatif à la construction de la grande mosquée d'Alger. Deux cabinets d'architecture allemands ont remporté le concours de cet immense projet : Krebs und Kiefer et KSP-Engel und Zimmermann. Pour un temps, ce projet paraissait gelé, voire oublié. Mais les engagements pris par Bouteflika devraient être mis à exécution après la visite de Mme Merkel. Autre domaine de coopération en phase d'exploration : la vente d'équipements militaires à l'Algérie. Alger, nous a-t-on confirmé hier, a exprimé une demande d'achat de matériel de guerre allemand. Pour faire mieux, au moins par rapport aux Russes, principaux fournisseurs de l'armée algérienne en armement, les Allemands veulent offrir de la formation aux militaires algériens devant utiliser le matériel à acheter à des niveaux différents. L'accord, qui est en discussion, devrait – si les choses avancent correctement – figurer à l'ordre du jour de la réunion de la commission mixte algéro-allemande, prévue en octobre prochain. La volonté de l'armée algérienne d'acheter de l'armement a mis en concurrence plusieurs pays. Après l'annonce de la signature d'un gros contrat (plus de 7 milliards de dollars) avec la Russie pour l'achat de chasseurs-bombardiers Sukhoï et Mig, l'Afrique du Sud et le Brésil ont exprimé leur intérêt pour les besoins algériens en la matière. A la mi-juin 2008, François Fillon, Premier ministre français, a confirmé la disposition de son pays de vendre des armes à l'Algérie. Chose qui était presque impensable il y a quelques années. Les Etats-Unis, et à plusieurs reprises, ont exprimé la possibilité d'étudier les requêtes algériennes d'achat d'armes létales. Mais l'Algérie n'a, pour l'instant, fait aucune demande ni pour les Etats-Unis ni pour la France. Les forces navales algériennes et allemandes travaillent déjà sur des programmes communs de formation. Depuis 2003, plusieurs navires et frégates ont fait escale en Algérie, la dernière en date, la frégate Augsburg F 213 qui a accosté à Alger en février dernier, dont l'équipage a animé des conférences avec des officiers algériens. Sur le plan économique, les Allemands veulent augmenter le volume d'investissements en Algérie. Déjà 160 entreprises allemandes activent dans le pays. Ce n'est pas par hasard que la Deutsche Bank, première banque d'Allemagne, s'est installée à Alger avec la perspective d'ouvrir une filiale, Deutsche Securities Algeria, une banque d'affaires orientée avec les entreprises, dotée d'un capital de 500 millions de dinars. Récemment, Andreas Hergenröther, premier responsable de la Chambre algéro-allemande de commerce et d'industrie (AHK Algérie), a déclaré qu'il y a une volonté réelle d'appuyer les entreprises algériennes dans les opérations d'exportation. Avec 900 milliards de dollars par an, l'Allemagne est l'un des plus grands pays exportateurs au monde. En plus de l'énergie (solaire et gaz), les transports, le bâtiment et le tourisme figurent parmi les secteurs prioritaires qui intéressent les Allemands. Sur un autre chapitre, Angela Merkel devra poser avec les autorités algériennes le problème des fondations allemandes, Friedrich Ebert et Konrad Adenauer, qui sont présentes en Algérie sans avoir d'agréments. Elles sont dans la situation « du toléré non autorisé ». La loi sur les associations de 1990, qui n'a pas encore été amendée, n'a rien prévu pour les fondations algériennes ou étrangères. Il en est de même pour l'institut culturel Goethe dont la situation juridique n'est pas claire. A Alger, Angela Merkel, qui a refusé les demandes d'interviews faites par la presse algérienne, évitera de faire de grandes déclarations. Aucune rencontre publique avec les journalistes n'est prévue. La chancelière dira quelques mots au salon d'honneur de l'aéroport et après l'audience du chef de l'Etat. Il n'y a aucune explication à donner à ce manque de transparence de la part d'un leader d'un grand pays démocratique.