Berlin veut mettre un frein à l'hégémonie de la France sur cette région où elle accapare la majorité des marchés. La chancelière allemande Angela Merkel a achevé jeudi après-midi une visite officielle de deux jours, en Algérie, au terme de laquelle Alger et Berlin ont convenu de renforcer leur coopération économique. En choisissant l'Algérie pour son premier déplacement au Maghreb quelques jours après le lancement de l'Union pour la Méditerranée (UPM), Angela Merkel a sans doute voulu manifester la priorité qu'elle accorde aux relations avec un pays qu'elle considère comme le plus important de la région. “L'Algérie est le plus grand pays du Maghreb avec un très grand potentiel économique”, a affirmé la chancelière à l'issue d'un entretien avec le président Abdelaziz Bouteflika. Faisant valoir “l'importance du poids politique de l'Algérie”, Mme Merkel a ajouté que Berlin a “l'intention ferme de faire évoluer davantage les relations avec l'Algérie dans tous les domaines”. Selon elle, les deux pays ont également convenu d'installer une commission mixte algéro-allemande à laquelle participeront des représentants du gouvernement et d'entreprises industrielles. “Cette décision politique se répercutera de façon positive sur l'évolution des relations économiques entre les deux pays”, a-t-elle souligné. Les déclarations de la chancelière allemande, qui est perçue actuellement comme la personnalité la plus influente d'Europe, largement devant le président français Nicolas Sarkozy, traduisent sans aucun doute la volonté de l'Allemagne de faire désormais de l'Algérie un partenaire stratégique au Maghreb. Angela Merkel n'a pas caché sa volonté de faire de l'Algérie un partenaire stratégique, un pays qui a exprimé des réserves sur les capacités de financement des projets de l'UPM par l'Union européenne, lors du sommet de Paris le 13 juillet. Car il ne faut surtout pas perdre de vue que c'est la chancelière allemande qui avait imposé une sévère révision au projet d'UPM, cher à Nicolas Sarkozy, non pas tant par souci de maintenir la cohésion européenne, estiment des analystes, que pour ne pas laisser la France accaparer les marchés maghrébins. “L'Allemagne essaie de prendre position dans une région où elle est traditionnellement peu influente”, reconnaît-on dans l'entourage d'Angela Merkel, tout en soulignant que Berlin “ne veut pas créer de malentendus quelques jours après la création de l'UPM”. Même si rien de concret n'a été dit officiellement sur la coopération énergétique entre Alger et Berlin durant le déplacement d'Angela Merkel, la question du gaz a été au centre des discussions algéro-allemandes. L'Allemagne souhaite sortir de sa dépendance très lourde vis-à-vis de la Russie à laquelle elle achète 40% de ses besoins. Depuis la crise du gaz entre la Russie et l'Ukraine début 2006, et les problèmes de livraison qui s'en étaient suivis, l'Allemagne veille à diversifier son approvisionnement. Elle vise plus particulièrement le gaz naturel liquéfié (GNL) dont l'Algérie est spécialiste. Moins volatile et moins volumineux qu'à l'état gazeux, le GNL ne nécessite pas de gazoducs et peut donc se transporter par bateau sur de longues distances. Berlin se prépare ainsi à tourner la page de l'annulation unilatérale en 1984 par la compagnie publique d'hydrocarbures Sonatrach de deux contrats fermes de gaz naturel liquéfié avec Ruhrgas-Salzgitter-Gasunie et Brigitta-Thyssengas, pour des volumes de 11,2 milliards de mètres cubes par an et 4 milliards de mètres cubes par an. Leur abandon avait jeté un froid entre les deux pays. Les deux pays ont également évoqué la coopération dans les énergies renouvelables, notamment en matière d'énergie solaire. L'Agence spatiale allemande a signé au début de l'année une convention de coopération dans ce domaine avec New Energy Algeria (Neal), la filiale spécialisée dans le solaire des entreprises Sonatrach et Sonelgaz. Neal envisage la construction d'ici à 2012 de quatre centrales hybrides gaz-solaires. La première, d'une capacité de 150 mégawatts (MW), est en cours de construction à Hassi R'mel (Sud). Les trois autres, d'une capacité de 400 MW chacune, doivent être lancées entre 2010 et 2012. Il serait également question de relier Adrar à la ville allemande d'Aix-la-Chapelle par un câble électrique long de 3 000 kilomètres. Baptisé “Clean Power from Desert” (Energie propre du désert), ce projet s'élèverait à plus de 2 milliards d'euros. L'ambition de l'Algérie est de produire 5% de son électricité à partir de l'énergie solaire d'ici à 2015 et d'en exporter une partie vers l'Europe. Les discussions algéro-allemandes ont également porté sur la coopération militaire. Berlin voudrait explorer la possibilité de vendre des frégates à l'Algérie et de participer à la formation de ses officiers. Le gaz et les frégates ne sont pas les seuls sujets abordés par la chancelière allemande à Alger. La première banque allemande, Deutsche Bank, est présente en Algérie depuis juin. Et c'est un consortium qui a remporté le marché de la construction de la Grande-Mosquée d'Alger, un projet dont le coût est estimé à près d'un milliard d'euros. Deux accords de partenariat dans l'industrie et la formation professionnelle ont été également signés. L'un porte sur création d'une entreprise commune entre Europoles Pfeider et le groupe privé Cevital d'Issad Rebrab pour la production de mâts en béton. L'autre, conclu par Knauf international, porte sur la formation, le perfectionnement et le recyclage d'enseignants. Rafik Benkaci