Ce n'est pas du mektoub : même aux alentours de la Journée mondiale des droits de l'homme des faits de société, émergeant à peine en faits divers de presse, indiquent que l'Algérie a grand mal à pratiquer les chemins de ces droits. En « écume des jours », comme disait Boris Vian, ces faits sont pollués dans une marée de discours officiels nous racontant, la main sur le cœur, que la bonne gouvernance, c'est forcément pour avant demain. Pour ne pas être balayés comme feuilles d'automne, arrêtons- nous sur deux de ces faits, parce que de grands historiens de la presse nous ont appris que cette « écume des jours » c'est justement ce qui a donné les meilleurs fils d'Ariane au travail de l'Histoire immédiate que font les journalistes. Séquestration et torture avant défénestration, c'est ce qu'un jeune de 19 ans a subi dans une villa de la Résidence d'Etat de Moretti par une dizaine d'autres appartenant à la parentèle de la nouvelle nomenklatura, magma du business mafieux et de la bureaucratie ; l'équipe étant chaperonnée par le fils du directeur du bunker de villas, surveillé nuit et jour par une noria d'agents de sécurité. La mère de Mehdi a dit : « S'il était décédé, on aurait mis ça sur le compte de terroristes ou de bandits. » Le mot du père du principal jeune suspect pour indiquer la victime est : « Il paraît que c'est un escroc. » Dans ces mêmes jours a été jugée, dans une ville de l'intérieur du pays, une mère de famille auteur de meurtre d'un colonel du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) du ministère de la Défense. Verdict : six années de prison ferme. Parmi les questions non élucidées dans cette affaire, vouée à tomber dans « le trou de mémoire », il restera à savoir qui étaient les deux hommes envoyés ramener manu militari la dame qui allait devenir meurtrière. Dans les mêmes moments où l'on peut craindre que le sens du temps de ces toujours noires années algériennes ne soit à jamais dissous, impossible à cerner, par une inflation de faits divers, il est bon de découvrir au détour d'un envoi que des philosophes algériens demeurent dans leur raison d'être « consciences malheureuses ». Le récent ouvrage (Engels : philosophie et sciences, Ed L'Harmattan) de Mohamed Moulfi, professeur de philosophie à l'Université d'Oran, nous rappelle cette terrible leçon : « L'idéalisme a été chassé de son dernier refuge, la conception de l'Histoire. »