“L'Ecume des mots” est un hommage intelligent à Boris Vian. Cela n'aurait pu en être autrement pour un personnage pluridisciplinaire et d'un très grand talent. Si l'on part du principe que les textes sont d'abord des poésies — abstraction faite bien évidemment de certaines chansons et styles — à la base, la musique est une sorte de rencontre improbable entre des sonorités et un texte qui explore les tréfonds de l'âme. Tous deux s'adressent à notre cœur et l'alchimie qui se crée ne s'explique généralement pas, puisqu'elle perdrait de sa magie, surtout lorsqu'on sait que l'art est une émanation de l'âme. Lorsqu'on écoute une chanson pour la toute première fois, on retient l'air, mais la plupart du temps jamais le texte. En réécoutant une deuxième, une troisième et une quatrième fois, on fait connaissance avec le texte et on finit même par l'apprendre. Mais que se passe-t-il lorsqu'on connaît déjà le texte et qu'on l'écoute pour la première fois en musique ? On dit : “C'est bien. C'est nouveau. C'est une autre manière de concevoir les choses. Je ne savais pas qu'il y avait tant d'émotion dans ceci ou cela, etc.” Bref, on redécouvre à nouveau le poème. Avant-hier soir, le Centre culturel français d'Alger a abrité un spectacle poétique et musical, dans le but de faire rencontrer la littérature avec la musique. Mais le choix de la troupe présente était loin d'être facile puisqu'il a été question de reprendre les textes du pluridisciplinaire Boris Vian, qui a peu vécu, mais qui a laissé un patrimoine extraordinaire et une œuvre totalement diverse. Boris Vian a écrit des romans, des poèmes, des nouvelles ; il a aussi fait de la musique, puisqu'il était passionné de jazz, et a même été traducteur. Il a eu plusieurs vies en une seule. Sa vie a été courte, son parcours riche et son écriture traversée par plusieurs questionnements. Il a été drôle et fantaisiste, mais aussi noir et rebelle. Le pluridisciplinaire a donc été à l'honneur dans le spectacle “l'Ecume des mots” : une lecture jazz des textes de Boris Vian, dispensée par Simone Hérault et Alexandre Lachaux. Ces deux comédiens ont été accompagnés pour cette lecture par une pianiste virtuose et le saxophoniste Adrien Lajoumard. Après une très belle intro dispensée par les deux musiciens qui ont excellé d'ailleurs durant ce concert, la lecture a été entamée par un extrait de l'autobiographie de Boris Vian. Ainsi, il s'est présenté aux spectateurs avec un brin d'humour, de bonhomie et de fantaisie. Des extraits du roman emblématique l'Ecume des jours ont également été lus. Le public a eu droit à plusieurs textes, farfelus et fantasques, puis au fur et à mesure que les lectures se poursuivaient, l'univers devenait plus sombre. On a découvert un Boris Vian drôle et ironique, puis rebelle et engagé, et pour se quitter sur une note d'humour, les deux comédiens sont revenus à des textes plus gais. En une heure uniquement, les quatre artistes ont réussi à entourer les facettes de la personnalité de Boris Vian, qui avançait dans la vie au gré du vent ! Bien évidemment, le fameux poème le Déserteur, interprété par Serge Reggiani, et plus récemment par Renaud, a été déclamé et chanté. Quelle soirée ! En tout cas, l'émotion était présente, la maîtrise aussi, et même la beauté. Sara Kharfi Le spectacle “l'Ecume des mots” sera présenté ce soir à partir de 19h au Centre culturel français d'Annaba.