Des heurts entre policiers et manifestants ont éclaté vendredi dans plusieurs villes d'Egypte, en particulier près du palais présidentiel au Caire, lors de rassemblements à l'appel de groupes de l'opposition "pour la dignité" et contre le président islamiste Mohamed Morsi. Dans la journée, au son de tambours et des drapeaux égyptiens à la main, des milliers de personnes étaient parties de plusieurs quartiers de la capitale pour se diriger vers la place Tahrir, dans le centre-ville, et vers le palais situé dans la banlieue d'Héliopolis. "Le peuple veut la chute du régime", ont scandé les manifestants, tandis que d'autres qualifiaient le ministère de l'Intérieur de "voyou". A Tahrir, les contestataires ont accroché des bannières avec des slogans hostiles à M. Morsi et aux Frères musulmans, dont le président est issu. Mais dans la soirée, la police a fait usage de gaz lacrymogène près du palais pour disperser les manifestants qui lançaient des feux d'artifice et des cocktails Molotov sur le bâtiment. Des fourgons des forces de sécurité ont chargé les manifestants qui se sont repliés un peu plus loin sur la grande avenue jouxtant le palais, selon des images de télévision retransmises en direct. Des heurts ont aussi éclaté dans plusieurs villes de la province de Gharbiya, dans le delta du Nil, faisant selon le ministère de la Santé 28 blessés, pour la plupart après avoir inhalé du gaz lacrymogène. A Alexandrie, cinq personnes ont été blessées dans de brefs heurts entre policiers et manifestants. Ces nouvelles manifestations interviennent après plusieurs incidents liés aux brutalités policières ainsi que deux édits religieux (fatwas) appelant au meurtre des figures de l'opposition. La présidence a dénoncé ces fatwas comme du "terrorisme". Cette semaine, la mort d'un militant pro-démocratie après plusieurs jours en détention a provoqué la fureur et ravivé les appels à une réforme des services de sécurité. Ce décès est intervenu quelques jours après la diffusion, en direct à la télévision, d'images d'un homme dévêtu, traîné et battu par la police lors d'une manifestation devant le palais présidentiel. Trente-huit formations de l'opposition avaient appelé à ce "Vendredi de la dignité", réclamant un gouvernement d'union nationale, une révision de la Constitution rédigée par une commission dominée par les islamistes et des garanties pour préserver l'indépendance du pouvoir judiciaire. Après les fatwas contre des chefs de l'opposition, le ministère de l'Intérieur a renforcé la sécurité autour des domiciles de deux principaux opposants, Mohamed ElBaradei et Hamdeen Sabbahi, dont les noms ont été cités par l'un des religieux dans son édit. M. ElBaradei, de tendance libérale, et M. Sabbahi, un nationaliste de gauche, sont tous deux membres du Front du salut national (FSN), principale coalition de l'opposition laïque, opposée à M. Morsi. Mercredi, M. ElBaradei s'était insurgé contre la lenteur du gouvernement à réagir à la fatwa. "Le régime reste silencieux alors qu'une nouvelle fatwa autorise à tuer l'opposition au nom de l'islam. La religion ne peut encore une fois être utilisée et détournée", avait-il affirmé. Jeudi, Al-Azhar, la plus haute instance de l'islam sunnite basée au Caire, a prévenu que de tels édits pouvaient conduire à "la sédition et au désordre".