ALGER - Le chantre de la musique targuie, le roi du Tindi, Othmane Bali, mort en 2005, emporté par les crues d'un oued à Djanet, ne prendra pas part, avec sa famille, au 2e Festival culturel panafricain. Bali va manquer à ce rendez-vous culturel africain, lui qui de son vivant, était l'ambassadeur du Tindi, ce genre musical propre à sa région natale du Tassili. Le défunt Bali avait avec brio contribué à faire découvrir au public algérien et international, ce genre musical du terroir. Le chantre de la musique targuie sera certainement représenté par les membres de sa famille qui composent sa troupe. "Troubadour nomade, médecin de son état, ayant un pied à Paris et l'autre dans les sables du Tassili n'Ajjer, à 2 000 km d'Alger, a stoppé sa course", a-t-on écrit sur lui. Ce sont les inondations meurtrières de juin 2005, qui l'avaient emporté, lui qui vint au monde un certain mai 1953 "sous le palmier le plus haut de Djanet, dans le Grand-Sud algérien, au sein d'une famille de mélomanes et de poètes". Un virtuose du luth Il était à 53 ans l'un des virtuoses du luth qu'il avait découvert alors qu'il faisait des études de médecine dans les années 1970. Ses textes, il les écrivait dans sa langue maternelle, le Tamachek, y ajoutant des vers dans la langue de Molière. Une jeune journaliste lui rendit hommage par ces termes : "Il a revisité la musique du terroir et contribué à sa renaissance et à son élargissement au-delà des frontières". Auteur, compositeur, interprète, il a rehaussé la musique targuie pour lui donner une dimension universelle. Citoyen du monde par sa musique et ambassadeur émérite, il a porté haut et fort sa voix par-delà les frontières. C'est cette voix que va regretter le public algérien et africain durant les deux semaines du festival. La musique de Bali ressemble au blues américain mais ce blues-là, est celui du désert. Le chantre chantait en famille. Il y a d'abord son fils, son épouse, ses nièces et surtout sa mère possédant une puissante voix, malgré sa frêle silhouette. Bali disait d'elle qu'elle l'accompagnait partout où il va chanter. "C'est mon porte-bonheur", disait-il. Celle qui avait fait, avec lui, "deux fois le tour du monde", comme il aimait à le répéter, devra le représenter au festival. Bali et les siens ont réussi durant une courte carrière artistique à monter un beau répertoire, enregistrant trois albums avec l'Américain d'origine indienne Sherokee Steve Shehan et venait de terminer une belle aventure musicale avec le jazzman français Jean-Marc Padovani. Modestie et humilité comme chez tous les gens du Sud Ce personnage était également modeste et humble, comme tous les gens du Sud. Son dernier spectacle, il l'avait donné à Alger, en mai 2006, moins d'un mois avant sa disparition tragique. Cette même année, un hommage mérité lui avait été rendu à l'occasion de la célébration de la Journée nationale de l'artiste. Ainsi, une double exposition évoquant la carrière, les textes, les choix et les passions de l'artiste disparu avait alors été organisée à Djanet. Une exposition similaire sera organisée lors du prochain festival, en guise de pensée à cet artiste disparu, alors qu'il avait tant donné à la musique de sa région captivante. Sa mère a dit de lui qu'il fut "un immense artiste" ayant "su redonner à la musique targuie ses lettres de noblesse et forcer une reconnaissance universelle pour sa valeur réelle". Sa grand-mère chantait ce genre musical qui lui fut transmis. Il a su l'honorer.