En dépit des campagnes de sensibilisation contre les comportements nocifs qui sévissent de plus en plus au sein de la société du fait d'un mode de consommation frénétique, notamment durant le ramadhan, ce mois de jeun se caractérise par différents excès. Le gaspillage, de pain par excellence, est la principale manifestation de ces comportements excessifs. Quelque trois millions de baguettes de pain sont jetées au quotidien à la poubelle à l'échelle nationale durant le mois de ramadhan, selon de l'union des commerçants et artisans algériens (UGCAA), des estimations qui renseignent, si besoin est, sur les proportions alarmantes du fléau de gaspillage. Il semble en effet que les appels à rationaliser la consommation de cet aliment de base n'ont pas trouvé d'écho. Au niveau de la capitale seule, plus de 6200 baguettes ont été triées des ordures ménagères durant la première semaine du mois de piété et de ferveur spirituelle. Une quantité qui correspondrait au double de celle collectée pendant le reste de l'année, selon Souhila Lardjem, directrice de l'entreprise de gestion du centre d'enfouissement technique (CET Hamici) de Zeralda. La sonnette d'alarme est tirée face à phénomène, qui outre le préjudice économique qu'il cause, donne lieu à des spectacles désolants d'amas de pain jonchant les entrées d'immeubles ou entassés dans des sacs en plastique sur la chaussée à même les poubelles et les bennes de Netcom. Ramadhan de tous les pains, ramadhan de toutes les envies, l'Algérien fait son mea culpa... Chaque membre de la famille achète quotidiennement une à deux baguettes de pain de différentes sortes et au moment de l'Iftar, la table est garnie de différentes variétés de pain qui au final ne sont pas consommées, reconnaît Mohamed, père de famille du quartier populaire de Bab El Oued. A quelques heures de la rupture du jeun, on ne peut pas résister aux senteurs appétissantes de pain chaud tout juste sorti du four qui nous assiègent de toute part ou encore à ses différentes formes, aussi tentantes les unes que les autres et généreusement étalées dans les vitrines de boulangerie ou dans des étals de fortune sur la voie publique, reconnaît-il. Mourad, d'El Madania, dit qu'il s'était habitué à consommer le Mtaloue que son épouse confectionnait à la maison. Mais mes cinq fils ramènent chaque jour des variétés différentes de pain industriel, laisse-t-il entendre. A El Mouradia, Khadidja, se plaint de l'attitude de ces enfants qui rentrent chaque jour avec différentes sortes de pain qu'ils ne mangent pas, ce qui la contraint souvent, avoue-t-elle, à le jeter. Le pain jeté, un gâchis mais pas pour tous Rencontrée à la rue Belouizdad, Hadja Kheira s'affairait à ramasser le pain devant l'entrée d'un bâtiment. Cette sexagénaire a révélé se livrer à cette activité depuis plus de quatre années: elle gagne son pain par la récupération des pains jetés qu'elle revend aux éleveurs de bétail. Ce n'est pas par nécessité que le je le fais bien sur, tient à assurer Hadja Kheira qui précise agir d'abord conformément aux préceptes de l'islam qui bannit le gaspillage et tous les excès. Il fut un temps, le pain n'était pas à la portée de tous les Algériens, rappelle cette dame en allusion à la période coloniale pas très lointaine. Réduire la production de pain pour juguler le gaspillage de cet denrée alimentaire Face aux effets néfastes, sur le plan socio-économique, du gaspillage alimentaire en général, du pain plus particulièrement, le ministère du commerce a lancé une campagne nationale sous le thème "Lutter contre le gaspillage est la responsabilité de tous". Cette campagne qui s'étale du 1er juin au 10 juillet et organisée en collaboration avec la société civile et les représentants de corps de sécurité, sera axée sur la rationalisation de la consommation des produits alimentaires et le respect des conditions de conservation. Il s'agira surtout de sensibiliser les citoyens à la nécessité de corriger leurs habitudes de consommation et à adopter de bons réflexes en la matière. Des instructions ont été données aux boulangeries à l'effet de réduire la production de pain durant le ramadan, les maîtresses de maison ayant pour habitude en ce mois de confectionner le pain artisanal, a fait savoir le président de l'association nationale des boulangers, Youcef Kalfat. Il a préconisé la révision de la politique de subvention du pain estimant que le prix de la baguette accessible à toutes les bourses encourageait sa surconsommation. Le citoyen a tendance à acheter le pain en quantités dépassent de loin ses besoins quotidiens, a-t-il argué. Le président de l'association de protection et d'orientation du consommateur et son environnement (Apoce) de la wilaya d'Alger fait état de son coté d'un léger recul du phénomène qu'il impute à la prise de conscience et la réduction du pouvoir d'achat. L'Imam de la mosquée Errahmania, Abderrahmane Bisker a exhorté les citoyens à se plier aux consignes de la religion et à bannir le gaspillage sous toutes ses forme. Il les a incités à se rapprocher des nécessiteux et à leur faire des dons car il est inacceptable dans notre religion, de jeter les aliments quand d'autres en ont besoin.