RAMALLAH (Palestine occupée) - Le raid israélien meurtrier contre la flottille en route pour Ghaza a renforcé la main du Hamas, aussi bien face au blocus israélien que dans les négociations avec l'Autorité palestinienne, selon des experts palestiniens. Le raid a offert au mouvement islamiste palestinien, qui contrôle la bande de Ghaza, une "bouée de sauvetage", estime l'analyste palestinien Hani al-Masri, selon qui le Hamas en sort comme le "grand gagnant". Le mouvement "traversait une mauvaise passe sur tous les plans mais l'action israélienne lui a ouvert une porte de sortie en mettant sur l'agenda international la question de la levée du blocus", explique-t-il. Sans aller jusqu'à condamner l'assaut, comme les autres membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, les Etats-Unis, principal allié d'Israël, ont jugé "inacceptable" la situation dans le territoire qui doit bénéficier d'une "aide humanitaire durable". Huit Turcs et un Américain d'origine turque ont été tués lundi lors du raid de commandos israéliens sur le ferry turc Mavi Marmara, "navire amiral" d'une flottille de six bateaux chargés d'aide aux Palestiniens de la bande de Ghaza. "Les pressions sur Israël pour lever ce blocus se sont intensifiées. L'Egypte a décidé d'ouvrir dans les deux sens le terminal frontalier de Rafah, le seul point de passage entre la bande de Ghaza et le monde extérieur qui échappe au contrôle d'Israël, tout cela a profité au Hamas", assure pour sa part Samir Awad, de l'université de Bir Zeit en Cisjordanie. Le Hamas, qui était jusqu'alors isolé sur le plan international, à couteaux tirés avec l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas et en froid avec l'Egypte, est "le principal bénéficiaire" de l'opération, désastreuse pour l'image d'Israël, souligne cet enseignant en relations internationales. L'assaut a provoqué un tollé international contre Israël qui impose un blocus strict sur l'enclave sous tutelle du Hamas depuis juin 2007, ne laissant passer que les produits de première nécessité. L'Egypte avait renforcé depuis plusieurs mois le contrôle de sa frontière avec la bande de Ghaza, longue d'une vingtaine de kilomètres, invoquant notamment la lutte contre les trafics de toutes sortes passant par des tunnels. Mais le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a défendu mercredi le maintien du blocus maritime afin d'"éviter que Ghaza devienne un port iranien menaçant la Méditerranée". Le raid va également "durcir la position du Hamas dans les négociations sur un accord de réconciliation" avec son rival du Fatah, le parti du président Abbas, relève un autre analyste palestinien, Abdel Majid Souilem. "Le Hamas va résister aux pressions pour accepter" un accord négocié pendant plusieurs mois sous les auspices de l'Egypte, prédit-il. Le Caire a reporté à deux reprises la signature de cet accord, avalisé par le Fatah mais refusé jusqu'ici par le mouvement islamiste. Le chef en exil du Hamas, Khaled Mechaal, a posé mardi des conditions à cette réconciliation, appelant l'Autorité à "prendre rapidement l'initiative d'une véritable réconciliation qui repose sur notre droit à la résistance et un vrai partenariat dans la prise de décision politique, la sécurité et le contrôle des élections en Cisjordanie". Il a exigé "un gel de la comédie des négociations (de paix) directes et indirectes" entre Israël et l'Autorité palestinienne sous l'égide de l'émissaire américain George Mitchell. Mercredi, M. Abbas a de nouveau appelé le Hamas à la réconciliation et décidé l'envoi d'une délégation de haut niveau à Ghaza. Mais le numéro deux du bureau politique du Hamas, Moussa Abou Marzouk, a appelé jeudi le président palestinien à se "rendre à Ghaza (...) à briser le blocus et mettre fin aux divisions palestiniennes".