L'islamiste jordanien Omar Othman, alias Abou Qatada, a contesté mardi devant la Cour européenne des droits de l'Homme son expulsion projetée du Royaume-Uni vers son pays d'origine, où il risquerait selon lui de mauvais traitements et un procès inéquitable. Actuellement détenu à Manchester (nord de l'Angleterre), Abou Qatada doit être rejugé en Jordanie dans deux affaires pour lesquelles il a été condamné par contumace à 15 ans de prison pour actes terroristes. Il affirme que ses condamnations sont fondées sur les aveux de deux coaccusés, extorqués selon lui sous la torture. Un temps considéré comme le chef spirituel d'Al-Qaïda en Europe, il résidait depuis 1993 en Grande-Bretagne où il bénéficiait du statut de réfugié. Il conteste son expulsion, décidée en août 2005, considérant qu'il devrait faire face en Jordanie à un "risque réel" de torture et de "déni flagrant" du droit à la liberté et à un procès équitable. Pendant une audience devant les juges de Strasbourg, le représentant du gouvernement britannique, Michel Beloff, a évoqué un "individu dangereux" et "au centre des activités d'Al-Qaïda en Grande-Bretagne". Face aux craintes de mauvais traitements, M. Beloff a affirmé qu'un protocole d'accord signé entre Londres et Amman donnait une série d'assurances de respect des normes internationales de protection des droits de l'homme. Il a également rappelé qu'une Commission spéciale britannique (Special Immigration Appeals Commission, SIAC) avait autorisé cette "expulsion entourée d'assurances". "Nous avons de bonnes raisons de penser que ces assurances seront respectées", a affirmé M. Beloff, notamment compte tenu des relations étroites entre les deux Etats et de la signature de responsables "au plus haut niveau" de chaque pays. La Jordanie "a un intérêt à long terme à respecter ses engagements", a-t-il souligné. Mais pour le représentant du requérant, Edward Fitzgerald, le "risque de déni de justice est tout à fait clair". Abou Qatada doit en effet être rejugé par la Cour de sûreté de l'Etat, une structure militaire "qui ne remplit pas les critères d'indépendance et d'impartialité". Il a rappelé "l'usage répandu et systématique de la torture et l'impunité générale (des autorités) en matière de torture" dénoncés par les ONG internationales. "L'accusation sera fondée sur des aveux obtenus au bout d'une longue période de détention au secret, sous la torture ou après de mauvais traitements", a dit M. Fitzgerald, ajoutant que "la manière dont auront été obtenus ces aveux ne fera pas l'objet d'un nouvel examen au cours du procès". De plus, a-t-il souligné, le protocole d'accord "n'offre aucune garantie effective. Il répète des obligations officielles (en vertu des conventions internationales) que la Jordanie ne respecte pas" actuellement. "On ne peut pas se fonder sur des assurances diplomatiques pour garantir" la sécurité du requérant, a-t-il lancé. La CEDH avait bloqué l'expulsion d'Abou Qatada en février 2009, en demandant au gouvernement britannique d'y surseoir tant qu'elle ne se serait pas prononcée sur le fond. La cour ne rendra publique sa décision que dans quelques mois.