Alors que l'extradition du Jordanien Abou Qatada considéré, comme le cerveau d'Al-Qaïda en Europe, est acquise, l'on s'interroge sur le sort des Algériens en l'absence d'une convention entre Alger et Londres. Les services de l'immigration ont arrêté, avant-hier, au Royaume-Uni, dix étrangers, soupçonnés de constituer une menace pour la sécurité nationale, dont le plus célèbre prédicateur islamiste au Royaume-Uni, le Palestino-Jordanien Abou Qatada, présenté souvent comme le chef spirituel d'Al-Qaïda en Europe. Les dix hommes risquent l'expulsion en vertu des nouvelles règles de séjour édictées par le Premier Ministre britannique, Tony Blair, après les attentats de Londres qui ont fait le 7 juillet dernier 56 morts. Selon, Yasser Al-Serri, le directeur de l'Observatoire islamique, un organisme basé à Londres, sept Algériens figureraient parmi les neuf autres personnes arrêtées à Londres, Leicester (centre de l'Angleterre) et Luton (nord de Londres). Le ministère britannique de l'Intérieur n'a donné aucun détail sur les personnes arrêtées et a refusé d'indiquer vers quels pays ils pourraient êtres expulsés. Ce coup de filet intervient alors que les autorités britanniques viennent de se débarrasser d'Omar Bakri Mohammed, un Libanais d'origine syrienne, chef du mouvement extrémiste Al-Mouhadjiroun, un groupuscule dissous en octobre 2004. Londres a profité de l'absence d'Omar Bakri, parti au Liban, pour le priver de son droit de séjour au Royaume-Uni. Parti à Beyrouth officiellement en vacances, le week-end dernier, il a été arrêté par la police libanaise avant-hier, mais remis en liberté, hier, à la demande du procureur général libanais. Installé à Londres depuis 1986, celui que la presse britannique avait baptisé “l'ayatollah de Tottenham” est marié et père de sept enfants. C'est lui qui avait baptisé les 19 kamikazes auteurs des attentats du 11 septembre 2001 les “19 magnifiques”. Si pour Omar Bakri, la question semble réglée, il faudra peut-être “des mois, voire des années” pour expulser les dix autres extrémistes islamistes dont l'arrestation confirme l'avertissement de Tony Blair qui avait affirmé le 5 août dernier que “les règles du jeu ont changé” depuis les attentats de Londres. Ces dix hommes ont cinq jours pour faire appel de la décision du Home Office. Mais le combat pourrait être beaucoup plus long. En tant que signataire de la Convention européenne des droits de l'Homme, la Grande-Bretagne n'a pas le droit d'expulser des ressortissants étrangers vers un pays où ils risquent d'être soumis à la torture et condamnés à la peine de mort. Mais Tony Blair avait déclaré qu'il espérait obtenir l'engagement des pays concernés à ne pas recourir à des traitements inhumains. Le bras de fer avec les juges pourrait durer “des mois, voire des années”, selon Keith Best, directeur au sein des services de l'immigration. Après la commission spéciale d'appel des services de l'immigration, les personnes visées pourront, en effet, se tourner vers la cour d'appel, puis les Law Lords, et enfin la Cour européenne des droits de l'Homme de Strasbourg. Gareth Peirce, avocate de sept des dix personnes arrêtées, a confirmé, hier, que ses clients feront appel : “C'est inévitable.” Pour obtenir la validation des juges, le ministre de l'Intérieur, Charles Clarke, a assuré qu'aucune personne ne sera l'objet de torture ou de mauvais traitement une fois expulsée. Mercredi dernier, Londres avait annoncé un accord en ce sens avec la Jordanie. Des négociations seraient également en cours avec l'Algérie. Pour contourner l'obstacle des juges attachés à une interprétation stricte de la Convention européenne des droits de l'Homme, le ministre des Affaires constitutionnelles, Charles Falconer, a annoncé une nouvelle loi. La décision d'expulser quelqu'un doit “tenir compte à la fois des droits de la personne expulsable et du risque que celle-ci pose à la sécurité nationale”, a-t-il insisté, expliquant que ce nouveau texte pourrait donner “la correcte interprétation de la Convention européenne des droits de l'Homme”. Hier, la Jordanie semblait paradoxalement assurée de récupérer Abou Qatada rapidement : “Je m'attends à ce que les autorités britanniques nous remettent Omar Abou Omar (Abou Qatada) la semaine prochaine,” a affirmé le ministre jordanien de l'Intérieur, Aouni Yervass. Par ailleurs, la presse britannique a indiqué, hier, que des camps d'entraînement tenus par des extrémistes islamistes existent sur le sol britannique, révélant plusieurs cas de tentative de recrutement et d'endoctrinement de jeunes musulmans. Rafik Benkaci