RAMALLAH - Rivés à leurs ordinateurs et téléphones portables, les étudiants palestiniens vivent en direct le soulèvement en Egypte, où ils misent sur la chute du régime, après la Tunisie, assistant pour une fois en spectateurs aux convulsions du monde arabe. "C'est bien que le peuple égyptien exprime sa volonté de réaliser ce qu'a accompli le peuple tunisien", commente un lycéen, Mohammad Taha, installé dans un café de Ramallah, siège de l'Autorité palestinienne en Cisjordanie. "Ce qui arrive maintenant dans les pays arabes est naturel, les peuples arabes se soulèvent après des décennies d'oppression et de répression exercées par des gouvernements dictatoriaux", estime Mohammad Mourrar, 20 ans, étudiant à l'Université de Bir Zeit, pour qui le pouvoir algérien est le prochain sur la liste. La plupart des étudiants de Bir Zeit jugent même que le réveil des peuples arabes survient bien tard. "Les dirigeants arabes ne se contentent pas de s'accrocher à leur fauteuil, mais ils tentent en plus de transmettre le pouvoir à leurs enfants, ce qui est la preuve la plus flagrante de la privation du droit des peuples à décider de leur destin", souligne Chadi Sadr, étudiant en communication. Le président égyptien Hosni Moubarak est soupçonné de préparer son fils Gamal à lui succéder, à l'image du défunt président syrien Hafez al-Assad, remplacé par son fils Bachar en 2000. Les soulèvements dans le monde arabe "sont la meilleure démonstration que les gens ne sont pas stupides et qu'il n'est pas logique que les présidents de certains Etats restent au pouvoir plus de 20 ou 30 ans sans aucun changement et en obtenant 99,99% des voix", relève une étudiante, Nouwar Nazzal. "Est-il concevable que les masses de manifestants dans les rues aujourd'hui ne représentent que les 0,01% qui n'ont pas voté pour eux ?", ajoute-t-elle. Les blagues fleurissent dans la population palestinienne sur les régimes arabes vacillants. L'une d'entre elles, sous forme de jeu, propose d'élire le dirigeant arabe le plus digne de gagner un aller simple pour l'Arabie saoudite, où le président tunisien déchu Zine El Abidine Ben Ali a trouvé refuge. Une autre présente M. Ben Ali appelant une émission musicale à la radio pour dédier à M. Moubarak un tube intitulé "Je t'attends". Mais l'Autorité palestinienne, très liée au régime égyptien, aussi bien pour les négociations avec Israël que les efforts de réconciliation avec le Hamas, ne l'entend pas de cette oreille. Son président Mahmoud Abbas a appelé samedi le chef de l'Etat égyptien pour lui faire part de sa solidarité avec l'Egypte et son engagement pour sa sécurité et sa stabilité", selon un communiqué du bureau de M. Abbas. Dimanche, la police palestinienne a dispersé un rassemblement de quelques dizaines de personnes devant l'ambassade d'Egypte à Ramallah. Human Rights Watch a dénoncé cette intervention dans un communiqué, précisant que "les forces de sécurité de l'Autorité palestinienne avaient appelé à maintes reprises l'un des organisateurs pour lui ordonner d'annuler l'information sur l'événement qu'il avait créée sur Facebook". Bien qu'ils considèrent leur situation comme radicalement différente de celle des autre Arabes en raison de l'occupation israélienne, les jeunes Palestiniens débattent en outre du rôle joué par les sites Internet pour mobiliser la population. "Ce qui a le plus favorisé le déclenchement de la révolution en Egypte et en Tunisie, ce sont Facebook et Twitter", affirme Iba Ftiha, "ces réseaux sociaux ont permis aux jeunes de s'organiser loin du regard des autorités". Mais pour Ammoun al-Cheikh, une autre étudiante, "il ne s'agit que d'instruments et non pas du moteur de la révolution, sans quoi les jeunes n'auraient pas continué à manifester après leur blocage" par le pouvoir.