Alors que le dirigeant palestinien Abou Amar se bat contre la mort, les Israéliens se préparent au pire, c'est-à-dire l'annonce du décès du prix Nobel de la paix et les répercussions qu'il pourrait avoir sur la situation qui prévaut dans les territoires palestiniens de Ghaza et de Cisjordanie ainsi que sur les Palestiniens vivant à l'intérieur d'Israël. D'autant qu'au moment où Yasser Arafat était hospitalisé à Paris, un attentat-suicide avait eu lieu la semaine dernière en plein cœur de Tel-Aviv dans l'un des marchés les plus fréquentés de la capitale israélienne par un jeune Palestinien membre du Hamas. Toujours est-il qu'Ariel Sharon et son cabinet envisagent les situations les plus extrêmes, y compris celles d'une éventuelle escalade des attentats anti-israéliens, surtout après le refus du Premier ministre israélien de voir Yasser Arafat inhumé à Jérusalem. Le vœu le plus cher du dirigeant palestinien ne sera pas réalisé, lui qui tout au long de son combat pour la libération de la Palestine avait émis le souhait, qu'il avait d'ailleurs élevé en objectif de son engagement, de prier un jour à la mosquée d'Omar, à Jérusalem. Sa dernière volonté ne sera pas exaucée du fait de l'obstination de Sharon et de son cabinet à lui refuser l'inhumation sur l'Esplanade des mosquées ou sur le Mont des oliviers où, pourtant, il a hérité d'une parcelle de 13 m2 de sa famille originaire de Jérusalem. Une ville qu'il connaît bien puisque l'homme, âgé aujourd'hui de 75 ans, y a vécu durant plusieurs années au cours de son enfance. Une période dont il a gardé le souvenir de soldats britanniques forçant la porte du domicile familial et qui pèsera d'une manière déterminante dans son engagement pour la libération de la Palestine après son retour en Egypte où, jeune lycéen, il organisait des quêtes pour l'achat d'armes pour les combattants palestiniens au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le tournant Plus tard, étudiant en travaux publics au Caire, il se rapprochera de la confrérie des Frères musulmans au début des années 1950. Il participe d'ailleurs à la seconde guerre israélo-arabe sous le drapeau égyptien en 1956. Mais c'est deux années plus tard, à Koweït, où il travaille comme ingénieur, que son engagement prend un tournant décisif puisque, avec deux autres Palestiniens, qui seront ses compagnons de route jusqu'à leur assassinat, il crée le Fatah avec Khalil El Wazir et Salah Khalaf, plus connus sous les noms de guerre d'Abou Jihad et Abou Ayad. Les trois hommes lanceront les premiers combattants palestiniens du Fatah contre des objectifs militaires israéliens le 1er janvier 1965. Et c'est en exil à Damas d'abord, Amman, Le Caire ensuite, en passant par Beyrouth et Tunis, pour revenir au Caire que Yasser assume la direction de la résistance palestinienne à la tête de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) suite à son élection comme président en 1969. Le charisme d'Abou Amar prend forme et se renforce tout au long de ses quarante-cinq années de lutte. Le monde entier découvre alors l'homme au keffieh, qui deviendra le symbole pour les générations de Palestiniens et d'Arabes de la résistance et de la lutte pour la justice. Il devient le porte-parole incontesté de la résistance palestinienne. En novembre 1974, il fait une entrée remarquable et remarquée au siège des Nations unies à New York où il parlera de paix, lui que les Israéliens ont voulu et continuent de le présenter, à l'instar du ministre de la Défense Shaul Mofaz, comme le chef des terroristes. On le retrouvera quelques années plus tard dans le siège de Beyrouth par l'armée israélienne en 1982, qui marquera la fin de la guerre civile au Liban. C'est alors le départ des hommes de l'OLP et d'Abou Amar vers Tunis. En 1988, plus exactement en novembre il annonce à Alger la création de l'Etat palestinien. Au début des années 1990, l'OLP se lance dans une offensive diplomatique hors pair dans laquelle Arafat joue un rôle important. La référence Lorsqu'en 1991 commencent les pourparlers de paix israélo-palestiniens, il en sera d'emblée exclu parce qu'il ne résidait pas dans les territoires occupés. Mais grâce à son aura au sein de la résistance et dans les territoires palestiniens, il est en quelque sorte la référence à laquelle souscrivent les négociateurs palestiniens lors des discussions de Madrid en 1991. Après la poursuite de ces discussions à Oslo, c'est à Washington qu'il aura l'occasion de serrer la main de Yitzhak Rabin, à l'époque Premier ministre israélien, après avoir signé une déclaration de reconnaissance mutuelle d'Israël et de la Palestine. En 1994, il est élu président de l'Autorité palestinienne et obtient en même temps que Yitzhak Rabin et Shimon Peres le prix Nobel de la paix. L'assassinat de Rabin le privera d'aller plus en avant dans le rétablissement de la paix en Palestine et l'édification d'un Etat palestinien. L'arrivée de Ehud Barak comme Premier ministre relancera quelque peu les discussions pour la paix avec la conclusion de nouveaux accords entre les deux parties à Camp David et à Taba en Egypte. Mais son successeur Ariel Sharon allait adopter une autre démarche qui s'éloigne de plus en plus de la paix. Ce qui a eu pour effet de relancer l'Intifadha et les opérations-suicides lancées par de jeunes Palestiniens. En 2002, Ariel Sharon ordonne le siège de l'Autorité palestinienne de Yasser Arafat qui se retrouve ainsi prisonnier à Ramallah, après avoir échappé à maintes reprises tout au long de son existence de résistant et de leader à plusieurs tentatives d'assassinat du Mossad. Ramallah qu'il ne quittera que forcé par la maladie. Un exil de plus, et probablement le dernier.