L'on se rend compte que le sommet palestino-israélien de Charm El Cheïkh du 8 février n'était rien de plus qu'une simple opération médiatique qui allait faire du Premier ministre israélien un homme de paix, malgré son parcours jonché de cadavres palestiniens et arabes. Mis à part une accalmie toute relative, rien de ce qui a été décidé n'est appliqué, et ce n'est pas le retrait programmé de Ariha qui va prouver le contraire. Par ailleurs, les Etats-Unis accusent Israël de refuser de délimiter le pourtour des colonies de peuplement en Cisjordanie, une démarche qui permettrait d'en limiter l'expansion. Selon le quotidien israélien Haaretz, et à la suite de ce refus, les Américains ont fait savoir aux Israéliens qu'ils ne pouvaient continuer de coopérer avec Israël sur la question de la délimitation du périmètre de construction des implantations. En avril 2004, Israël s'était engagé à coopérer avec les Etats-Unis pour déterminer les contours de toutes les colonies de peuplement de Cisjordanie afin d'en « limiter l'expansion » sur le terrain, écrit le journal. Israël, poursuit le Haaretz, s'était par ailleurs engagé à fournir la liste de toutes les colonies sauvages établies en Cisjordanie depuis le début des années 1990 et dont le nombre est estimé par un récent rapport israélien à 105. Selon le spécialiste militaire du quotidien, Zéev Schiff, c'est le Premier ministre, Ariel Sharon, lui-même qui a refusé de fournir cette liste à l'Administration Bush et a refusé de collaborer avec Washington sur la question du périmètre des colonies de Cisjordanie. Israël s'était notamment engagé à fournir à Washington des photographies aériennes récentes de la totalité des colonies de peuplement, construites en Cisjordanie depuis la conquête de ce territoire lors de la guerre israélo-arabe de juin 1967. Le Haaretz indique qu'Israël a fait savoir aux Etats-Unis, par l'intermédiaire de leur ambassade à Tel-Aviv, qu'il ne disposait pas de tels clichés et qu'il refusait d'utiliser son satellite pour prendre de telles photos. En l'absence de telles images, précise le quotidien, les Américains ont informé Israël qu'ils refusaient de continuer de travailler sur le terrain à la délimitation des colonies de peuplement. Selon le mouvement anticolonisation La Paix Maintenant, Israël a établi, depuis 1967, 225 colonies de peuplement en Cisjordanie, dont 127 approuvées par le gouvernement et une centaine de colonies « sauvages ». La conclusion qui s'impose a trait justement à ces colonies car, qu'elles soient contrôlées ou non, une telle position exclut leur démantèlement. Plus que cela, le lexique s'est enrichi pour contourner les obligations découlant des résolutions internationales exigeant leur démantèlement, l'on parle de « croissance naturelle », comme s'il revenait aux Palestiniens d'en accepter les conséquences comme un fait accompli. Il ne s'agit donc pas de pavoiser, comme à propos du retrait israélien de la région de Ariha (en Cisjordanie), première ville palestinienne à passer dès 1994 sous le régime de l'autonomie avant d'être réoccupée, qui doit commencer aujourd'hui. Selon un responsable palestinien, celui-ci se fera par étapes sur une période de quatre semaines. Un accord sur le transfert de Ariha au contrôle sécuritaire palestinien a été conclu, lundi soir, lors d'une rencontre entre le ministre israélien de la Défense Shaoul Mofaz et le ministre palestinien de l'Intérieur et de la Sécurité Nasr Youssef. Le négociateur palestinien en chef Saëb Erakat a affirmé que « l'accord prévoit le démantèlement de deux barrages, ceux de Na'ama et Ein Al Douyouk, et le déploiement d'une force policière palestinienne armée dans le village d'Ojja ». Après Ariha, Israël doit transférer, en principe vendredi, le contrôle sécuritaire aux Palestiniens à Tulkarem, dans le nord de la Cisjordanie. Le transfert du contrôle sécuritaire aux Palestiniens dans cinq zones de Cisjordanie - Ariha, Tulkarem, Beïtlehm, Ramallah et Kalkilya - a été convenu par les leaders palestinien Mahmoud Abbas et israélien Ariel Sharon lors du sommet de Charm. Nul ne sait à vrai dire où mèneront ces petits pas, ou encore si mis côte à côte, ils sont susceptibles de constituer un processus. En tout état de cause, le mouvement palestinien du Jihad islamique a affirmé hier qu'il n'offrirait pas de « trêve gratuite » à Israël, affirmant que l'Etat hébreu doit au préalable cesser ses « agressions » contre les Palestiniens. « Les Israéliens doivent cesser toute agression (contre les Palestiniens) pour qu'un accord ou un cessez-le-feu aboutisse. » Selon Anouar Abou Taha, dirigeant politique du Jihad, « l'Autorité palestinienne doit arriver avec la partie israélienne à une entente permettant d'aboutir à une trêve ». Présent au Caire dans le cadre du dialogue interpalestinien ouvert hier en présence du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, il a souligné que son groupe « n'est pas opposé à faire partie des institutions de l'OLP ». Ce qui est différent des institutions issues du processus d'Oslo et auxquelles le Hamas pourrait prendre part si sa participation aux prochaines élections législatives palestiniennes devenait effective, et bien entendu concluante. Mais d'ici, le chemin semble long et parsemé d'embûches. A cet égard, les participants au dialogue du Caire « veulent arriver à une entente sur la restructuration des institutions palestiniennes et sur un programme politique commun ainsi que sur une trêve », a affirmé Abou Taha. Les groupes palestiniens, notamment le Hamas et le Jihad islamique, ainsi que Mahmoud Abbas auront fort à faire pour se convaincre mutuellement, car ils doivent se prononcer formellement sur la fin ou la suspension des violences anti-israéliennes. Chaque mot revêt son importance.