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155 milliards de dinars en trois ans
Economie informelle
Publié dans Horizons le 12 - 03 - 2012

« Le phénomène de l'informel touche plusieurs pays », disent les économistes et pas uniquement les pays du Tiers-Monde puisque des pays dont les économies « sont en crise » n'en sont pas épargnés comme l'Italie. L'Algérie n'échappe pas elle aussi au fléau de l'informel et cela inquiète d'autant plus les autorités qu'on a été jusqu'à inviter, avec le concours du Club de réflexion et d'analyse algérien (Care), un spécialiste mondialement connu en la personne du Dr Hernando de Soto, un Péruvien. Car, pour le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, qui a ouvert les travaux, hier, à Alger, l'informel est source de grande inquiétude actuellement. Si, par le passé, il était « un simple refuge pour les sans-revenus », son expansion a désormais des « objectifs occultes visant le gain facile, l'enrichissement illicite, l'évasion fiscale... ».
Pour preuve, dira M. Benbada, sur les trois dernières années, les services du ministère du Commerce l'ont évalué à « 155 milliards de dinars via les pratiques frauduleuses ». L'économie informelle « affecte tous les secteurs, aussi bien l'agriculture que l'industrie », observe-t-il. Bien que l'Algérie ait déjà entrepris des actions tendant à sa résorption, le ministère veut voir aussi ce qui se fait dans les autres pays et dégager « des pistes » pour la reconversion de l'informel dans le circuit officiel. En effet, outre l'insécurité liée à la pratique, il y a aussi un manque à gagner pour le fisc, la sécurité sociale. Autre enjeu, on sait obstinément que le commerce informel qui « ne favorise pas la transparence » va constituer aussi « un obstacle à l'investissement productif ».
Au titre des mesures déjà prises, outre le programme de construction de grands espaces de commerce normalisés, les jeunes ont bénéficié d'exonérations fiscales variées comme le non-paiement de l'impôt forfaitaire unique sur deux ans et des abattements aussi, après ce délai, qui atteindront 70% pour la première année, 50% la seconde et 25% la troisième année.
Il faut savoir qu'il n'y a pas d'étude globale sur le commerce informel en Algérie pour mesurer réellement son impact sur l'économie, en matière de croissance, de productivité, de création d'emplois. « Celles qui existent sont de type sectoriel », expliquent les universitaires. Parmi eux, le Dr Bellache, dont les travaux, datant de 2007, ont porté sur un échantillon de ménages implantés à Bejaia. Elle a porté sur le travail à domicile, le travail agricole, non agricole, bref de l'économie souterraine puisque ceux-ci ont le seul « tort » de ne pas être inscrits au registre du commerce. Alors que propose le Dr De Soto dont les travaux ont inspiré des réformes dans beaucoup de pays ? Tout d'abord, H. de Soto, qui vient pour la seconde fois dans notre pays (2003-2012), avoue « ne pas bien connaître l'Algérie », puisant ses réflexions de l'observation de cas similaires comme l'Egypte. Il nous invite, cependant, à méditer sur les causes directes ayant propulsé les événements du printemps arabe. La « déflagration » semble liée à la mauvaise volonté des pouvoirs publics ou à leur incapacité à résoudre le problème du marché informel. Si Bouazizi en Tunisie en est l'exemple, il ne faut pas s'étonner que « les 37 autres cas d'immolation par le feu dans le monde arabe ont un lien avec le commerce informel », ajoute H. de Soto. Pour les autres causes, on retiendra que des études réalisées en Egypte, au Brésil, aux Philippines montrent que la pression fiscale, les lourdes formalités de constitution de sociétés, les délais, les coûts sont autant de freins qui empêchent, dans beaucoup de pays, les commerçants à quitter le confort de l'informel.


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