Comme conclu entre le réalisateur et le ministère de la Culture, le film de Rachid Bouchareb, «Hors-la-loi», concourant à la 63e édition du Festival de Cannes, a été projeté hier à salle El Mouggar à Alger, en même temps de sa diffusion à Cannes, à l'adresse de la presse algérienne. Il faut dire qu'au-delà de la polémique déclenchée en France par l'extrême-droite, et fortement soutenue par des députés français, par des associations de harkis, de pieds-noir et d'anciens combattants, «Hors-la-loi» porte tous les ingrédients d'une grande œuvre cinématographique algérienne, nous plongeant dans l'âge d'or du cinéma algérien, et surtout en plein dedans du seul film algérien distingué par la Palme d'or en 1975, en l'occurrence «Chronique des années de braise» de Mohamed Lakhdar Hamina. Grande fresque digne d'un grand réalisateur, à travers laquelle Bouchareb raconte l'histoire tragique et glorieuse d'une famille de trois frères : Abdelkader (Sami Bouajila) Messaoud (Roschdy Zem) et Saïd (Djamel Debbouze), spoliés de leurs terres par les colons, dont leur père (Ahmed Benaïssa) est tué dans les massacres du 8 mai 1945 à Sétif et dont la vie, après les avoir séparés un moment, les réunira de nouveau sous la bannière glorieuse du FLN combattant en France. Même s'il s'est gardé de se poser comme historien obsédé par la précision des faits, Rachid Bouchareb a tout même mis sur écran, et de fort belle manière, la naissance et l'évolution de la résistance pacifique puis armée au sein de l'émigration algérienne (guerre FLN-MNA, FLN- Main Rouge, officine «barbouzarde» de la DST). C'était là d'ailleurs l'essence même du film et que le réalisateur, flanqué d'un casting de haute facture en plus des trois principaux comédiens, Chafia Boudraâ, Larbi Zekkal ou encore Ahmed Benaïssa, a réussi à raconter presque comme un livre d'histoire illustré. Ainsi donc, 35 ans après la sacre de Lakhdar Hamina, Rachid Bouchareb gravit, sous la bannière algérienne, les marches de la Croisette à la recherche de la consécration finale. Financé entre autres par le ministère algérien de la Culture, le Centre national du cinéma français (CNC), le film «Hors-la-loi», que les lobbies de l'Algérie française ont tenté de saboter au détriment du principe de la liberté d'expression, principe cher pourtant, au pays de Molière, a fait parler de lui bien avant sa projection. Maintenant présenté à la presse, laissons les critiques faire leur travail, et donnons-nous un moment pour admirer un grand film tourné par un grand réalisateur.