Elle sera l'occasion pour beaucoup de pacifistes de dénoncer aussi cette guerre injuste. L'animateur du réseau, Francis Jeanson, jeune philosophe disciple de Jean-Paul Sartre, est un collaborateur régulier des revues « Esprit » et « Les Temps modernes. » Au début des années 1950, dans ses premiers articles, il prend déjà position en dénonçant « l'iniquité du statut de 1947, le racisme des colons, l'oppression subie par les Algériens ». Selon ses biographes, le militant séjournera en Algérie en 1943, au sein des Forces françaises libres d'Afrique du Nord, puis en 1948 au cours d'un voyage de noces avec sa femme. En 1955, il franchit une étape supplémentaire en publiant avec sa femme Colette « L'Algérie hors la loi ». Le livre est considéré comme « un brûlot contre la colonisation, un réquisitoire de plus sur la torture dans la guerre, et la guerre coloniale elle-même ». L'AFFAIRE AUDIN CONFORTE FRANCIS JEANSON DANS SES CHOIX En 1956, les Jeanson après avoir publiquement assumé leurs positions, à travers l'écrit, passent à l'action en hébergeant leurs premiers militants du FLN, dans leur appartement, déplacent d'autres dans leur voiture. Un professeur de philosophie, Etienne Bolo, leur présente la jeune Hélène Cuenat professeur de lettres « non satisfaite de la combativité de son parti vis-à-vis de la question algérienne » et qui va devenir le numéro deux du réseau. L'année 1957 est marquée par la recrudescence des combats en Algérie. Le général Massu généralise l'emploi de la torture. Des avocats et intellectuels dénoncent, avec Georges Arnaud et Jacques Vergès, Henri Alleg, ses exactions,. L'Affaire Audin conforte Francis Jeanson dans ses choix et lui attire des sympathies. C'est le 2 octobre 1957 que fut créé d'une manière officielle le réseau avec des tâches bien réparties. Francis Jeanson gère notamment l'hébergement, Hélène Cuenat et Etienne Bolo les déplacements, le journaliste Jacques Vignes sera chargé du franchissement des frontières. Henri Curiel va superviser les transferts d'argent vers la Suisse. Ce sont les contributions mensuelles des Algériens de France à la guerre remises aux porteurs de valises et transportées par les femmes du réseau. 1959 : le réseau Jeanson redouble d'activité et étend ses ramifications à Lyon, Grenoble, Marseille, noue des contacts en Suisse, en Belgique, en Allemagne. La police les traque et Francis Jeanson est contraint de passer le flambeau à Henri Curiel qui sera arrêté le 20 octobre 1960. Le réseau se réorganise sans Jeanson. Le philosophe défie les forces de police : le 15 avril 1960, en plein Paris, il tient clandestinement une conférence de presse retentissante. L'occasion de justifier une nouvelle fois son engagement pour le FLN. L'écrivain Georges Arnaud qui relaye ses propos dans Paris Presse mais payera cher ce soutien, sera poursuivi pour « non-dénonciation de malfaiteur ». Le procès du réseau Jeanson s'ouvre le 5 septembre 1960 à Paris, devant le tribunal militaire. Quatre-vingt-quatre accusés - parmi eux six Algériens - sont poursuivis pour « atteinte à la sûreté extérieure de l'Etat ». Ils seront défendus par vingt-six avocats, dont Jacques Vergès et Roland Dumas. C'est aussi le moment que choisit le cercle des sympathisants de l'Algérie pour publier « le Manifeste des cent vingt et un » sur le droit à l'insoumission, paraphé par André Breton, Françoise Sagan, Simone Signoret. Le verdict est rendu le 1er octobre 1960. Dix ans de prison pour quatorze de ses membres : Jeanson est condamné par contumace. La révolution algérienne gagne des batailles sur tous les fronts, c'est le procès de la guerre d'Algérie toute entière qui commence. Francis Jeanson fut amnistié en 1966, avec son compagnon Jacques Charby, au même titre que d'autres insoumis, déserteurs. Il meurt le 3 août 2009 à l'âge de 87 ans.