Lors du débat entre les deux candidats à l'élection présidentielle en France, l'Algérie s'est invitée au menu de la discussion de la manière la plus inattendue lorsque justement le candidat sortant, Nicolas Sarkozy, a expliqué que sur la question du Sahel, l'Algérie détient la clé de l'ensemble du problème. « Il y a un problème dans cette région. C'est la confiance que nous devons mettre dans le travail avec l'Algérie qui est la puissance régionale et qui a les clés de l'ensemble des données du problème ». C'est ainsi que le président sortant a qualifié un problème de politique internationale face à son adversaire de gauche, François Hollande. Il y a deux éléments à prendre en compte dans cette déclaration. Le premier, les problèmes de sécurité et de stabilité dans la région sahélo-saharienne. Ceux-ci intéressent la France au premier chef. Second élément, la seule manière pour la France de s'impliquer dans les règlements des problèmes dans la région passe par la coopération internationale avec les pays de la région. Reste cette désignation de puissance régionale qui concerne exclusivement l'Algérie. Une puissance qui, plus est, détient la clé du problème. Lorsqu'on connaît un petit peu les grands dogmes de la politique internationale algérienne, on comprend ce que cache cette qualification. La logique de puissance régionale sous-entend une capacité de faire et de défaire les situations. Cela n'a jamais été l'attitude de l'Algérie vis-à-vis de ses voisins. Ni du Nord ni du Sud. La non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats demeure la règle. On a pu le confirmer alors que des diplomates algériens ont été enlevés au Mali. Cette toute-puissance régionale qu'est l'Algérie n'a pas développé une attitude va-t-en-guerre. Pourtant, tout le monde le sait, l'Algérie possède tous les moyens humains et techniques pour réaliser des interventions dites d'extraction. On ne développe pas une armée et on ne forme pas des hommes d'élite sans le faire. OÙ VEUT-ON EN VENIR ? On en vient à se demander finalement ce que peut recouvrir cette déclaration. Il est certain que le président français ne peut ignorer les grands principes qui guident la politique internationale des pays partenaires de la France. Ce n'est donc en aucune manière une déclaration gratuite. Faut-il voir dans ces affirmations une volonté : la France, c'est l'ancien pays colonial. Donc, elle ne peut pas intervenir directement ? « La France ne peut intervenir qu'en soutien à ces pays », précise Sarkozy. Autrement dit, il prône la logique d'ingérence revue et corrigée : ingérence par sous-traitance. Il précise sa pensée plus loin quand il déclare : « Il faut pousser ces pays, l'Algérie, le Niger, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal à travailler ensemble et la France va les aider militairement. » Pourtant, ces pays travaillent ensemble au sein des structures et entités qu'ils ont créées ensemble. La question de la sécurité dans la région sahélo-saharienne est une vraie question, pour ne pas dire un vrai casse-tête. Les pays du Champ n'ont attendu personne pour se concerter et trouver les solutions ensemble sans qu'aucune puissance ne vienne mettre le nez sans leur accord. Plus que tout, l'attitude générale au sein de ces entités est la concertation entre partenaires d'égale valeur et à souveraineté égale. Et l'Algérie puissance régionale qui a « les clés du problème », a toujours été fidèle à ses grands principes de non-ingérence, de coopération au bénéfice des intérêts mutuels. Cela dit, elle demeure le pays central en ce qui concerne l'évolution de la situation. CRAINTE ET RESPECT ? Cela dit, ce n'est pas la première fois que le pays est présenté comme puissance régionale. Quand les câbles diplomatiques dans ce qui a été appelé l'affaire WikiLeaks, ont été rendus publics, on a bien vu comment les Etats voisins, du moins au regard de ce qui a été révélé comme câbles, voyaient l'Algérie. Les commentaires rapportés mettaient en évidence un pays craint et un pays puissant. Une puissance militaire et économique qui se retrouve au centre et entourée apparemment par des pays qui usent parfois d'un langage inamical. Pourtant, cette même puissance a toujours été à la hauteur de sa réputation. Un pays fraternel, qui valorise par-dessus tout le bon voisinage. Faut-il donc se prévaloir de cette publicité alors que l'on débattait en France d'une question intérieure, c'est-à-dire les enjeux de l'élection présidentielle ? Absolument pas, d'autant que c'est un langage de campagne et dès lors il faudrait plutôt se pencher sur la manière avec laquelle sera menée la politique étrangère française après l'élection présidentielle et comment seront managées les relations de la France avec ses partenaires africains du nord et de la région subsaharienne. Au-delà, c'est un coup de projecteur dont les Algériens auraient pu se passer tant il fausse la perception que l'on peut avoir de leur politique étrangère.