Les 30.000 habitants de Tombouctou, la mythique cité du nord malien inscrite au Patrimoine mondial de l'humanité depuis 1988 et baptisée la « Cité des 333 saints », sont sous le choc. Bamako condamne « avec la dernière énergie cet acte inqualifiable qui foule au pied les préceptes de l'Islam, religion de tolérance, et le respect de la dignité humaine ». Hier, les querelles autour de la transition ont cessé à Bamako à l'évocation de la profanation du mausolée de Cheikh Sidi Mahmoud. Chacun y va avec son expression « acte de barbarie », « ignorance », « intolérance », pour dénoncer cette agression contre l'identité malienne. L'humanité qui se souvient du traitement réservé en mars 2001 par les Talibans, dans le centre de l'Afghanistan, aux Bouddhas de Bâmiyân et de la destruction de nombreux mausolées de mystiques soufis, en Afrique de l'est, par les islamistes somaliens shebab, est en colère. Surtout quand elle apprend que les membres de ces deux groupes terroristes qui contrôlent le Nord du pays depuis le 22 mars dernier ne comptent pas s'arrêter à cette profanation. « Ils ont promis de détruire d'autres mausolées et de brûler d'autres manuscrits », affirment les citoyens de cette ville ne sachant si les quatre auteurs présumés de la profanation sont « mystérieusement morts » à l'hôpital où ils ont été admis après être tombés malades ou ailleurs. Fondée entre le XIe et le XIIe siècles, selon les documents, par des tribus touarègues, la ville surnommée « La perle du désert » a été un grand centre intellectuel de l'Islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes. Ses trois grandes mosquées, mais surtout des dizaines de milliers de manuscrits - dont certains datent de l'ère pré-islamique - témoignent de cette splendeur passée et de son âge d'or au XVIe siècle. Ecrits en arabe ou en peul par des savants originaires de l'ancien empire du Mali, ces textes parlent d'Islam, mais aussi d'histoire, d'astronomie, de musique, de botanique, de généalogie, d'anatomie... Autant de domaines généralement méprisés, voire considérés comme « impies » par Al-Qaïda et ses affidés djihadistes. Outre les mosquées, le site classé compte « 16 cimetières et mausolées qui étaient des composantes essentielles du système religieux dans la mesure où, selon la croyance populaire, ils étaient le rempart qui protégeait la ville de tous les dangers », indique l'Unesco sur son site Internet. Cette dernière a récemment exprimé sa préoccupation et appelé « les factions belligérantes à respecter le patrimoine » du pays. Un pays en passe de devenir un monstre à trois têtes.