Mettant à exécution leur menace de détruire, sans exception, tous les mausolées de Tombouctou, « la cité des 333 saints », Ançar Eddine serait passé à l'action, selon plusieurs témoins qui ont affirmé que les islamistes ont complètement détruit, tôt hier, le mausolée du saint Sidi Mahmoud, dans le nord de la cité. Ce site avait déjà été profané, début mai, par des membres d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Cette menace, avait expliqué Sanda Ould Boumama, porte-parole d'Ançar Eddine à Tombouctou, dont 16 mausolées sont sur la liste du patrimoine mondial, est une réponse à la décision de l'UNESCO, annoncée jeudi, de placer Tombouctou, ville du patrimoine mondial de l'humanité, sur la liste du patrimoine en péril. Des témoins auraient également assisté à la destruction du mausolée de Sidi Mokhtar, dans l'est de la ville. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, a évoqué, ce samedi, la question estimant que la destruction des mausolées répond à un islam politique qui « risque de choquer la très grande majorité des musulmans de la région ». Cet épisode rappelle étrangement celui du site des Bouddhas Bamiyan, dynamités par les talibans en 2001 malgré les protestations de l'UNESCO. Ces destructions interviennent au lendemain du sommet de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) qui s'est tenu en Côte d'Ivoire, ce vendredi, et du renforcement spectaculaire des islamistes sur le Nord-Mali, chassant mercredi et jeudi le MNLA de Gao (nord-est) et Tombouctou (nord-ouest). Ainsi, l'Afrique s'apprête, prochainement, à envoyer ses troupes au nord du Mali pour en finir avec ce que la CEDEAO qualifie d'organisations terroristes qui ont pris le pouvoir aux portes sud de l'Algérie. Les événements semblent, en effet, se précipiter dans la région avec la décision prise par les chefs d'Etat et de gouvernement de la CEDEAO d'envoyer dans l'immédiat une mission technique au Mali composée de militaires et de politiques. La rencontre de Yamoussoukro (230 km d'Abidjan) a déblayé le terrain à un déploiement des troupes régulières ouest-africaines au Mali, on parle de 3.300 hommes, qu'elle veut sous le parapluie onusien. Pour rappel, un premier projet de la CEDEAO a été jugé beaucoup trop imprécis au Conseil de sécurité de l'ONU. Cette mission « technique » sera suivie d'une autre de « haut niveau » conduite par le médiateur dans la crise malienne, le président burkinabé Blaise Compaoré, pour ce qui s'apparente être une dernière ligne droite avant une intervention militaire au Nord-Mali. La Conférence des chefs d'Etat, tout en réitérant sa « détermination à ne pas négocier avec des organisations terroristes », « réaffirme son soutien à la transition politique en cours au Mali ». La CEDEAO, après avoir condamné fermement le coup d'Etat qui a renversé le président malien Amadou Toumané Touré, attend toujours de Bamako l'organisation d'élections. Cette option militaire, même si elle a été encouragée par Paris, a reçu un accueil réservé de Washington qui a mis en garde la CEDEAO contre une éventuelle intervention dans le nord du Mali. Lors d'une audition au Congrès, le secrétaire d'Etat adjoint chargé des questions africaines, Johnnie Carson, a apporté son appui à la Communauté en estimant, toutefois, que ce contingent devrait plutôt sécuriser le sud du pays et ne pas s'aventurer dans le Nord. La position des Etats-Unis s'appuie sur l'affaiblissement de l'armée régulière malienne qui a perdu la moitié de son équipement après avoir été défaite militairement, fin mars, par la rébellion touareg. Par ailleurs, M. Carson met en doute les capacités militaires de la CEDEAO, soulignant qu'une éventuelle mission dans cette partie du pays devrait être préparée très soigneusement et disposer de ressources en conséquence. Les observateurs estiment que la Communauté aura besoin d'un appui notamment logistique des Etats-Unis et de la France. Paris, tout en affichant son refus de voir se former un « Etat terroriste ou islamique » au Sahel, a clairement appelé les pays frontaliers du Mali, à l'image de l'Algérie, de la Mauritanie ou encore du Niger ainsi qu'aux Etats de la CEDEAO, de sous-traiter une opération militaire dans cette région avec son aide logistique. « Je ne pense pas que ce soit à la France d'intervenir militairement » mais qu'elle « est prête à aider mais elle ne peut pas être leader pour un certain nombre de raisons qui appartiennent d'ailleurs à l'histoire coloniale de la France », avait déclaré Nicolas Sarkozy, toujours à l'Elysée, à l'époque. Cette question malienne s'était invitée à la présidentielle française puisque le socialiste François Hollande, et dans un entretien au journal Libération, et tout comme Sarkozy, a exclu toute intervention militaire française au Mali, appelant les Africains à le faire. Devant les parlementaires américains, M. Carson a encouragé les Maliens à régler leurs problèmes, plaidant pour une solution politique et appelant à un gouvernement légitime. Qualifiant AQMI et Ançar Eddine de « dangereux » et « mortels », le responsable de la diplomatie américaine estime qu'il ne faut pas fermer les portes du dialogue aux forces en présence, faisant sans doute allusion au Mouvement national de libération de l'Azawad, le MNLA, pourtant affaibli par la coalition islamiste. Pour lui, même s'ils ne représentent pas directement une menace sur les USA, ces groupes terroristes restent nourris par l'apport d'étrangers venus de pays de la région.