Notre pays de par sa position géographique est soumis à trois grandes catégories de migration. Une en automne, les hivernants passent l'hiver dans notre pays durant six mois avant de repartir en Europe. La deuxième catégorie est celle des estivants, oiseaux venant au printemps afin de nicher et de se reproduire. Pour ce qui est de la troisième catégorie, celle-ci concerne les migrateurs de passage qui arrivent en même temps que les hivernants mais poursuivent leur chemin vers les zones sub-sahariennes. Au printemps, ils transitent par notre territoire pour aller nicher dans leurs pays d'origine. A cette période, le flux des oiseaux migrateurs est très important. Ce mouvement naturel des oiseaux qui répond à leur souci de survie, a toujours été au centre des études et autres recherches scientifiques. Parmi ces recherches : le recensement. « Le dénombrement a débuté dans les années 1960 lorsque des chercheurs ont remarqué que les oiseaux d'eau voient leur effectif régresser, ils ont ainsi décidé de comptabiliser les espèces. Lors de leur surveillance, ils ont constaté que les canards et les oiseaux se retrouvent dans des étendues d'eau. De là, la classification des zones humides est lancée. Notre pays signataire de la convention Ramsar en 1981, a apporté d'autres définitions des zones humides en incluant les gueltas, les oasis, les hammams thermaux, sebkha et chott », expliquera le professeur Mohamed Bellatreche professeur d'écologie et d'orthologie à l'Ecole nationale supérieure agronomique (ENSA ex-INA). Si le dénombrement a concerné jusqu'en 1966 l'Europe seulement, les ornithologues ont remarqué que les oiseaux regroupent aussi les espèces vivantes qui sont de passage en Afrique et en Asie. Ceci a permis de déléguer des équipes européennes pour faire le recensement. Ce dernier a été lancé en 1971 dans notre pays. En 1978, le professeur Bellatreche a été le premier Algérien à participer à ce dénombrement. « En 1986, on a constaté qu'il fallait s'ouvrir et se former d'où le lancement du premier stage d'ornithologie qui a associé des lycéens, des collégiens et même des fellahs. Car le sujet des oiseaux et la protection des zones humides qui sont les plus connues de tout l'écosystème, n'est pas l'affaire des seuls scientifiques, mais de toute une série d'activités qui se greffent à l'activité des oiseaux », expliquera M. Bellatreche. Le recensement des oiseaux d'eau en Algérie est effectué actuellement par des équipes de la Direction de gestion des forêts (DGF), en partenariat avec Wetlands International, organisme chargé de la compilation et de la transmission de l'information au niveau mondial (installé en Angleterre). Cette opération, qui se fait chaque année dès la première semaine de janvier fait partie des recensements internationaux établis au même moment en Europe, en Asie et en Afrique. LA TRAVERSEE ENTRE EQUILIBRE ECOLOGIQUE ET DEGÂTS La migration des oiseaux et l'arrivée des différentes espèces dans notre pays constituent une étape biologique de la vie de l'animal. « L'Algérie est bien servie. C'est un laboratoire à ciel ouvert puisque nous avons des oiseaux sédentaires et ceux de passage », avoue le Pr Bellatreche. Toutefois, des dégâts sont enregistrés au niveau de l'agriculture. En effet, d'après notre interlocuteur, « leur arrivée intervient au moment de la maturité des olives et les dégâts sont importants pour la filière oléicole puisque 16 % de la production se perdent dans ces circonstances. Les oiseaux qui progressent dans le territoire et vont vers l'intérieur, s'attaquent aux dattes. Les régions les plus touchées sont Biskra, M'Ghier (Ghardaïa) et Touggourt », affirmera-t-il. L'autre dégât occasionné par les oiseaux migrateurs consiste en la dégradation de la couverture végétale de la capitale. « En allant en grand nombre passer la nuit dans les arbres de l'hôpital Mustapha Pacha, du Palais du Peuple, du square Port Saïd ou du Jardin d'Essais, les oiseaux provoquent des dégâts directs en cassant les branchages d'arbres parfois centenaires. Comme ils détruisent la partie végétale en la brûlant de leurs déjections très riches en acide urique », explique-t-il. L'autre menace vise l'équilibre écologique car d'après le Pr Bellatreche « l'inégalité du nombre des espèces migrant ou transitant par notre pays peut contribuer au déséquilibre écologique. L'idéal est que les espèces existantes (sédentaires) connaissent une stabilité dans le nombre. Cet équilibre peut être obtenu à condition d'ouvrir la chasse, interdite depuis 1992, qui jouera le rôle de régulateur. L'interdiction de la chasse a également ouvert la brèche pour le braconnage qui cause d'énormes dégâts. Sur les 9600 espèces existantes de par le monde, 600 sont menacées », dira-t-il. La célébration de la journée mondiale des oiseaux migrateurs est, pour le professeur Mohamed Bellatreche, « une halte à double intérêt. Le laboratoire dans lequel on travaille ne doit pas être une tour d'ivoire. Cette célébration est donc une occasion pour vulgariser et mettre au grand jour le travail que mènent les chercheurs. Il faut savoir communiquer avec son environnement ». Ainsi, cette journée met également en évidence l'importance nationale et internationale de nos zones humides et le nombre sans cesse grandissant d'oiseaux qui les peuplent.