aux allures d'un cinglant démenti aux « analyses pointues » d'une élite, une nouvelle fois, en décalage avec la réalité sociologique du pays, les Algériens n'ont pas boudé les urnes. De nombreux facteurs, aussi bien internes qu'externes, ont favorisé la montée du baromètre électoral de ce jeudi 10 mai. D'abord, l'implication directe du président de la République, qui n'a eu de cesse, depuis son discours-programme du 15 avril 2011, de souligner le caractère historique de ce scrutin dans le processus de réformes. Le chef de l'Etat qui a fait de cette élection le sésame du passage de la légitimité révolutionnaire à la légitimité constitutionnelle et démocratique, aura été le catalyseur majeur de l'adhésion populaire enregistrée. Ensuite, l'environnement régional marqué par des troubles persistants partout où le « printemps » a planté ses racines. Là, la grille d'analyse citoyenne s'est révélée être aux antipodes de la pensée médiatique dominante. Les « révolutions » arabes, et surtout leurs conséquences sur les pays concernés, bien loin de provoquer un effet de « contamination », ont engendré une réaction de répulsion. L'instabilité qui semble s'installer durablement en Tunisie, en Egypte ou en Libye, autant que les images tragiques du conflit syrien, ont conduit à un rejet de toute révolte aventurière aux lendemains plus qu'incertains. De ce postulat découle le troisième facteur, à savoir le traumatisme profond de la décade de tragédie nationale. Les terribles moments qu'ont eu à subir les Algériens, depuis 1991, ne sont pas sans laisser de traces. Ne pas revivre cette dramatique période est ainsi devenu le dénominateur commun et le ciment du peuple. C'est à partir de ces trois éléments que l'on devrait comprendre l'attrait de cette consultation décidément pas comme les autres. En vérité, ce 10 mai 2012, les Algériens ont choisi, à travers le Front de libération nationale, une valeur refuge, une sorte de « juste milieu », offrant par là une formidable revanche à Abdelaziz Belkhadem. Les scores qui ont conclu ce scrutin témoignent, on ne peut mieux, du niet catégorique à tous les maximalistes. Ce constat est valable autant pour les islamistes, qui ont trop tôt bombé le torse en pensant qu'il suffisait de surfer sur la vague verte dans le monde arabe pour triompher, que pour ceux dont le discours musclé, basé sur l'épouvantail islamiste, le terrorisme ou l'anticapitalisme pour le cas du Parti des travailleurs, a fait fuir plus d'un ; mais aussi pour les laïcs du RCD usant et abusant d'un verbe violent et qui ont trop compté sur le désintérêt affiché des citoyens envers le politique pour se créer une base ...virtuelle. Ces forces, qui s'évertuent aujourd'hui à crier au loup, devraient tirer les leçons de ce scrutin, faire leur mea culpa et réviser leur stratégie. Cela étant, avec leur taux de participation de 42,36%, qui épouse les canons internationaux, les législatives 2012 pourraient bien se lire comme le premier acte d'une réconciliation entre le citoyen et les politiques. Le qualificatif « se lire » n'est pas fortuit dans la mesure où ce jalon, aussi important soit-il, reste précaire. Il est, en quelque sorte, un « consensus mou » entre le peuple et sa classe politique. C'est pourquoi, présentement, il incombera aux vainqueurs de le consolider et de lui donner une réelle portée historique, en répondant aux attentes citoyennes. D'abord, en élaborant une Constitution en phase avec l'évolution de la société et, ensuite, en confirmant la rupture avec les pratiques passées et en cédant le flambeau à la jeunesse. Le citoyen a, certes, accompli sa mission, évitant au pays un saut dans l'inconnu, mais cela ne signifie nullement qu'il a donné un blanc seing aux forces politiques détentrices du leadership. Il est, aujourd'hui, en droit d'attendre une concrétisation par les faits des promesses. Et c'est au FLN qu'incombera la lourde tâche de mettre en œuvre les réformes du Président. Mais, connaissant les pesanteurs qui lestent l'exercice politique en Algérie, le triomphe du FLN pourrait bien se révéler être un « cadeau » empoisonné. Reste que sa mission la plus urgente est d'apporter un démenti aux scenari pessimistes et d'enclencher le changement tant espéré.