Jamais l'Algérie ne s'est trouvée dans une situation aussi troublée qu'en ces lendemains d'élections législatives du 10 mai, présentées par le pouvoir comme le gage d'une Algérie apaisée qui prend en main son destin par elle-même, rejetant avec force les solutions de changement imposées de l'extérieur. Alors que ce scrutin était censé lever les doutes dans les esprits quant au regard que porte l'opinion nationale – au-delà des prises de position officielles – sur les bouleversements géopolitiques qu'a connus la région et acter la voie qu'elle se serait choisie pour construire la démocratie, force est de constater que l'élection de jeudi dernier n'a pas amené plus de lisibilité politique et de visibilité. Pour savoir exactement «où va l'Algérie ?», pour reprendre une interrogation de feu le président Boudiaf, qui a gardé toute son actualité et sa pertinence. Aux interrogations sur la portée des réformes politiques annoncées qui ont entouré ce scrutin, boycotté par une partie de la classe politique et qui ont trouvé un prolongement dans le peu d'engouement pour ne pas dire l'indifférence populaire dans laquelle s'était déroulée la campagne électorale se sont surajoutées les nombreuses incertitudes et autres zones d'ombre quant aux perspectives politiques à venir apparues à la faveur des résultats du scrutin de jeudi dernier. A défaut d'un large plébiscite populaire – démenti par les urnes – à travers une forte participation électorale voulue par Bouteflika pour légitimer son projet de réformes politiques et désarmer les partisans du changement par la rue, on met sur la table le plan B qui consiste à imputer la paternité du triomphe du FLN au président Bouteflika. Le FLN, en tant que parti majoritaire, et encore moins son secrétaire général, M. Belkhadem, n'auraient aucun mérite dans le raz-de-marée électoral du FLN, à en croire les déclarations faites désormais publiquement par des personnalités proches du sérail. La crise qui a secoué le parti et fragilisé son secrétaire général, à la veille du scrutin, avec le mouvement de redressement du FLN d'une part, l'implication de Bouteflika dans la campagne électorale, d'autre part, jusqu'à la veille du scrutin allant même jusqu'à outrepasser ses prérogatives pour appeler implicitement dans son allocution de Sétif à voter FLN, sont autant d'éléments mis en avant pour conforter cette analyse. La direction politique du FLN n'a pas réagi à ce déni de légitimité qui lui est fait. Une belle aubaine pour les redresseurs du parti, qui ont fait naturellement écho aux déclarations visant à faire de la victoire du FLN un vote de confiance pour Bouteflika. Ce qui revient, en d'autres termes, à reconnaître que le véritable patron du FLN n'est pas Belkhadem, qui n'est qu'un simple coordonnateur du parti, mais bien Bouteflika qui apparaît avoir bien caché son jeu en n'acceptant que le titre de président d'honneur du FLN. Quelle sera la marge de manœuvre de Belkhadem, auquel on attribue des ambitions pour la prochaine élection présidentielle dans le cadre de ce scénario pour la succession qui commence déjà à s'écrire par petites touches ? Bouteflika, qui n'est pas homme à accepter de quitter la scène politique par une porte dérobée, va sans nul doute consacrer ces deux années qui le séparent de la fin de son mandat pour préparer les conditions de sa succession. Le tout est de savoir si le rapport de force est et sera encore, dans les semaines et mois à venir, en sa faveur, connaissant les repositionnements de fin de règne que l'on observe en règle générale dans les systèmes fondés sur l'alternance par la cooptation.