Le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a prononcé mardi une allocution sur la thématique du climat et du développement à l'occasion du sommet Afrique-France à Nice. En voici le texte intégral: «Monsieur le Président, Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement, Excellences, Mesdames et Messieurs, La protection de l'environnement en général et le défi des changements climatiques en particulier sont des préoccupations qu'il nous revient de prendre en charge car nous n'avons pas le droit d'hypothéquer l'avenir des futures générations. Nous avons, aujourd'hui, l'occasion d'évaluer ensemble l'état d'avancement des négociations pour un régime climatique mondial post 2012. La rencontre de Copenhague de décembre 2009 nous a révélé toute la complexité et la sensibilité de la question des changements climatiques et des enjeux qui s'y attachent sur le plan écologique, économique, financier et de développement. L'Afrique et les pays en développement en général auraient préféré que le Sommet de Copenhague débouche sur des résultats beaucoup plus conformes aux attentes en ce qui concerne la fixation de nouveaux objectifs ayant force obligatoire pour les pays développés au titre de la période d'engagement post 2012 du Protocole de Kyoto, et une démarche ambitieuse au titre de l'action concertée à long terme. Le continent africain à qui ne peuvent être imputés que 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, a participé activement au processus de négociations sur la base de la plate-forme ministérielle d'Alger de novembre 2008, endossée par le Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement africains en février 2009 et qui constitue le socle du consensus africain sur la question des changements climatiques. Je tiens à rappeler ici l'engagement des Chefs d'Etat et de Gouvernement africains d'intégrer la question des changements climatiques et les stratégies d'adaptation à ce phénomène dans les politiques et programmes de développement nationaux et sous-régionaux. Un Comité de dix Chefs d'Etat et de Gouvernement a été mis en place pour coordonner la position africaine et participer d'une seule voix aux négociations sur les changements climatiques. L'Afrique est pleinement engagée dans la lutte contre les changements climatiques et se conforme aux principes fondamentaux de la Convention Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques, notamment ceux de la responsabilité commune mais différenciée, des capacités respectives et de l'équité. Elle attend de ses partenaires la prompte consécration des engagements financiers additionnels à l'aide publique au développement tels qu'énoncés dans l'Accord de Copenhague : 30 milliards de dollars (USD) pour la période 2010-2012 et travailler à atteindre 100 milliards de dollars (USD) par an à l'horizon 2020 pour financer la réduction des émissions à effet de serre et l'adaptation aux changements climatiques. Ayant eu le privilège de coordonner, dans la phase de niveau ministériel, l'action africaine dans le cadre du processus de négociations sur le régime climatique mondial, l'Algérie accorde une attention particulière à la lutte contre les changements climatiques, notamment du fait que son climat aride et semi-aride l'expose à de nombreux effets négatifs tels que la dégradation accélérée de la steppe, l'aggravation de la désertification, le stress hydrique, l'augmentation des incendies et la dégradation de la biodiversité. Nous sommes, également, attentifs à ce dossier en raison de notre vulnérabilité économique caractérisée par une dépendance marquée par rapport aux recettes d'exportation d'hydrocarbures. A cet effet, la problématique des changements climatiques est prise en charge dans le cadre de la stratégie nationale pour l'environnement et du plan d'action pour l'environnement et le développement durable. C'est ainsi que, pour appliquer cette stratégie nationale qui intègre la promotion des énergies renouvelables et de technologies moins polluantes pour l'utilisation de l'énergie fossile, nous avons mis en place un dispositif institutionnel complet comprenant l'Agence de Promotion et de Rationalisation de l'Utilisation de l'Energie (APRUE), l'Agence Nationale sur les Changements climatiques et l'Autorité Nationale Désignée en application du Protocole de Kyoto pour renforcer la coordination et la coopération aux niveaux national et international. Nous espérons que la Communauté internationale arrivera à des résultats positifs lors de la 16e Conférence des Etats Parties qui se tiendra à Cancun à la fin de l'année 2010, couronnant le processus de négociations en cours sur le régime climatique mondial pour l'après-2012. L'Afrique espère légitimement que des engagements chiffrés de réduction des gaz à effet de serre soient pris, à Cancun, par les pays industrialisés, conformément à leurs responsabilités historiques. Il leur revient d'honorer leurs engagements au titre de la Convention-Cadre des Nations unies sur les Changements Climatiques. Tout comme il leur revient de mobiliser les moyens de mise en œuvre dudit instrument au profit des pays en développement, qu'il s'agisse des ressources financières nécessaires ou du transfert et de l'accès aux technologies et au savoir-faire écologiquement rationnels. Cette coopération est indispensable à la mise en œuvre de ladite Convention et au succès des efforts de réduction et d'adaptation aux effets néfastes des changements climatiques. Il est indispensable de poursuivre et d'intensifier le processus de négociations sur les changements climatiques. Il n'est point de substitut à un cadre multilatéral, ouvert et transparent au sein de l'ONU. Cette approche est susceptible d'assurer des résultats crédibles de nature à s'inscrire dans une perspective de large adhésion et de durabilité. Nous souhaitons que, dans cet esprit de dialogue et de concertation, l'Union Européenne accepte de reconsidérer sa décision sur l'imposition d'une taxe carbone aux compagnies aériennes des pays africains et en développement qui assurent des liaisons avec les pays européens. En effet, nous ne pensons pas que l'imposition de taxes, de surcroît d'une manière unilatérale et qui affecterait des pays en développement, soit la formule idoine pour contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre et financer dans le même temps la lutte contre les changements climatiques. Nous demeurons convaincus que le renforcement du multilatéralisme est un facteur de cohésion et une garantie d'efficacité du traitement des questions environnementales tant l'imbrication de la dégradation de l'environnement, de l'utilisation des ressources naturelles, de la pollution, de la lutte contre la pauvreté et la protection de la santé requiert une approche intégrée et globale. Cette approche nécessite le renforcement des moyens d'action des cadres multilatéraux existants notamment le Programme des Nations unies pour l'Environnement. Je suis convaincu que, quelle que soit l'attitude des uns et des autres à l'endroit des résultats de Copenhague et des conditions de leur élaboration, les Etats parties se doivent de tout mettre en œuvre pour qu'à Cancun, l'élaboration du régime climatique post-2012 soit conforme aux mandats qu'ils se sont donnés. Le renforcement de la mise en œuvre de la Convention-Cadre des Nations unies sur les changements climatiques et l'amendement de l'annexe B du Protocole de Kyoto pour la définition d'une deuxième période d'engagements et des engagements subséquents des pays de l'annexe I, sont les deux objectifs cardinaux que nous devons nous atteler à réaliser ensemble. Le rendez-vous de Cancun est crucial. Faisons en sorte que le Sommet de Nice contribue à en renforcer les chances d'aboutir aux engagements conventionnels qui lient les membres de la Communauté internationale, dans le respect du principe de la responsabilité commune, mais différenciée».