Des sigles de voitures allemandes, le fameux chiffre « 007 », et la main de Fatma. Voilà se qu'ont découvert les gendarmes des 19 e et 25 e groupements de gardes-frontières (GGF) d'El Aricha et de Bab El-Assa sur les paquets de kif. Ces estampillages ne sont nullement une lubie des trafiquants, mais simplement des signes sur la destination finale de la marchandise. Ainsi, un emballage Mercedes ou Passat signifie que la drogue est destinée au marché européen via les ports algériens. Le « 007 » est destiné à Dubaï. Quant à la main de Fatma, elle indique tout simplement que le cannabis est de qualité supérieur. Autre détail : désormais cette drogue est transportée dans des véhicules volés en Europe et dont les modèles, généralement allemands, n'ont jamais circulé en Algérie. N'empêche, la lutte contre le narcotrafic au niveau des frontières ouest est à l'avant-garde des préoccupations du haut commandement de la Gendarmerie nationale (GN). Dans ce cadre, un plan d'action spécial a été mis en place par le Groupement territorial de la gendarmerie nationale de la wilaya de Tlemcen en coordination avec les GGF. Ces unités mènent depuis le début de l'année en cours, une offensive musclée. Résultats : 30 tonnes de kif traité saisies dans la seule wilaya de Tlemcen. Valeur : 1 200 milliards de centimes. Le Colonel Noureddine Boukhebiza, le patron de la GN de Tlemcen a affirmé que les unités de la Gendarmerie déploient des efforts considérables pour contenir cette propension. Le dispositif en question, renforcé par les sections de sécurité et d'intervention (SSI), des unité d'élites, consiste en l'intensification des embuscades au niveau du tracé frontalier et le renforcement du contrôle du réseau routier par les multiplications des barrages fixes et mobiles. « Mais on opte beaucoup plus pour le travail de renseignement », précise l'officier supérieur. Le dispositif est ainsi mis à jour et renforcé progressivement pour traquer les narcotrafiquants « selon leurs procédés ». LES NARCOTRAFIQUANTS CHANGENT D'ITINERAIRE La situation a nécessité le renforcement du contrôle au niveau des frontières sud-ouest à Béchar et Tindouf notamment du côté des postes frontaliers du 25e GGF de Bab El Assa et Al Aricha dans la wilaya de Naama. Une présence dissuasive. « Les narcotrafiquants ont été obligés de chercher un autre itinéraire plus au nord, ce qui explique les grosses prises », signale le Lieutenant-colonel Barour Sahraoui, commandant régional des GGF d'Oran en marge de la visite d'inspection effectuée à plusieurs postes avancés à Tlemcen. Côté commandement de la GN, on est sûr d'une chose : « Un narcotrafiquant c'est aussi un terroriste », rappelle le colonel Boukhebiza. Alors, l'éventualité d'une confrontation armée entre les GGF et les narcotrafiquants n'est jamais écartée. Le colonel Barour le reconnaît. « Nos unités ont inclus la menace armée », précise-t-il. Pour le moment les narcotrafiquants ne font pas feu de tout bois. Ils préfèrent la discrétion. Ils visent les lieux où les habitations marocaines et algériennes sont proches pour faire passer leur drogue. Ce procédé a incité l'état major de la gendarmerie à équiper les GGF en détecteurs de drogue et d'explosifs ainsi qu'en jumelles infrarouges. Mais cela reste insuffisant quand, en face d'eux, des trafiquants s'échinent chaque jour à trouver d'autres modes opératoires pour faire entrer la drogue en Algérie. Ainsi, les gendarmes savent que les trafiquants aiment les matches de foot et autres événements qui pourraient mettre en veille la vigilance aux frontières. Ce détail, le capitaine Karim Lakhal, commandant de l'escadron de Magoura relevant du 25e GGF d'El Aricha, l'a bien assimilé. Et dans la nuit du dimanche, il a mis en pace un dispositif de prévention. « C'était le jour du match opposant l'équipe nationale à l'équipe du Mali », note-t-il. En plein dans le mille. En effet, vers 1h 30 mn, les GGF en embuscade ont repéré deux véhicules fourgon de marque Mercedes Sprinter à 3 km de la bande frontalière en train de franchir la limite du territoire. « A la vue du dispositif, les conducteurs ont voulu faire demi-tour. On a tiré une balle de sommation, en vain. Ils ont fini par abandonner les véhicules et prendre la fuite vers le Maroc à la faveur de l'obscurité », raconte-t-il. Il précise dans ce sens, que les narcotrafiquants utilisent des véhicules de luxe pour le transport. « Ce sont des voitures dont le numéro de châssis, l'immatriculation et les garnitures externes ont été transformés », précise l'officier. A l'intérieur : de la drogue saisie pressée, siglée et enveloppée dans un emballage en plastique et en carton spécial. « L'enquête, menée en coordination avec l'institut national de la criminalistique (INCC) de Bouchaoui, va déterminer la traçabilité de cette drogue », indique le capitaine Hallel, chef de la section de recherches de la GN de Tlemcen. Dans la deuxième opération qui a eu lieu le même jour, les éléments des GGF relevant du 19e GGF de Bab El Assa ont mis la main sur plus de 1,5 tonne de drogue dissimulée dans un véhicule de marque Volkswagen immatriculé à Ahfir au Maroc. LE CARBURANT ... L'AUTRE FILON L'augmentation des prix du carburant au Maroc n'a pas été négligée par les services de la GN d'autant que la contrebande prend de l'ampleur durant de la saison estivale. Pour le Lieutenant colonel Boukhebiza, le phénomène est « en croissance constante » et qu'il existe une connexion entre les « Hallabas », trafiquants de carburants, et les narcotrafiquants. « Entre eux, ils font du troc », révèle-t-il. Durant les cinq premiers mois de cette année, les unités du Groupement territorial de Tlemcen ont saisi plus d'un million de litres destinés à la contrebande. « Le dispositif sécuritaire au niveau des frontières sera renforcé progressivement à l'approche du mois de Ramadhan », signale le colonel Barour. Pas de répit donc pour les gendarmes, d'autant que lors d'une réunion récente avec ses cadres à Alger, le Général major, Ahmed Bousteila, commandant de la gendarmerie nationale a incité ses troupes à redoubler d'efforts dans le cadre de la lutte contre le crime organisé tout en mettant l'accent sur l'obligation des résultats. Naila B. 39 tonnes de kif saisis en 5 mois Les unités du 2e commandement régional de la GN d'Oran ont saisi une quantité de 39,3 tonnes de kif traité depuis le début de l'année alors que la quantité interceptée en 2011 ne dépassait pas les 7 tonnes de drogue. Ces opérations se sont soldées par le démantèlement de 12 réseaux dont 3 transfrontaliers et l'arrestation de 347 individus, parmi eux des barons de drogue. 26 véhicules ont été également saisis dans ces opérations.