D'éminents juristes ont proposé à l'occasion, de nouvelles dispositions à introduire dans la prochaine constitution du pays, premier texte à soumettre à la septième législature. Messaoud Chihoub, juriste et ex-député, a estimé nécessaire « d'élargir les prérogatives du Conseil ». Partant du constat que le pouvoir législatif est limité en Algérie, le conférencier propose de tenir compte dans la prochaine Loi fondamentale du pays des « interférences » constatées entre le domaine de législation des deux chambres parlementaires et de l'exécutif, car souligne-t-il, « l'utilisation abusif des décrets est de nature à réduire le pouvoir parlementaire ». Chihoub est catégorique : le Conseil de la nation doit jouir du droit à l'initiative parlementaire. Mieux, il suggère de soumettre parfois les projets de loi qui sont l'émanation de l'exécutif à la chambre basse et parfois à la chambre haute, comme c'est le cas en France, qui applique ce principe, sauf en ce qui concerne les lois de finances qui sont soumises à l'Assemblée. Selon lui, la prochaine Constitution doit consacrer cette disposition dans un souci d'asseoir un équilibre entre les pouvoirs. Dans ce sillage, l'ex-député s'est dit contre le fait d'interdire aux membres du Conseil de la nation de proposer des amendements aux projets de loi, qualifiant cela « de disposition illogique ». S'appuyant sur l'actuelle Constitution, Chihoub a suggéré également de permettre aux présidents des deux chambres parlementaires de convoquer la commission mixte, habilitée à revoir un projet de loi désapprouvé par les parlementaires. Notant que selon l'actuelle réglementation, seul le Premier ministre peut prendre une telle décision. LE PREMIER MINISTRE : « UN BOUC EMISSAIRE » Mme Fatiha Benabou, constitutionnaliste, a évoqué, pour sa part, le volet contrôle parlementaire. Selon elle, la spécificité du contrôle parlementaire en Algérie est qu'il ne comporte pas de sanctions. Suivant sa devancière de 1989, la Constitution de 1996 reconduit l'amorce d'une logique parlementaire, essentiellement lisible, à travers un bicéphalisme beaucoup plus formel que réel, dira-t-elle, et un binôme « démission gouvernementale-dissolution parlementaire », qui évoque une responsabilité politique. Alors, un contrôle politique serait-il introduit chez nous ? Si, auparavant, des équivoques pouvaient prêter à deux lectures possibles, la révision constitutionnelle de 2008 a envoyé un signal très fort qui lève toute ambiguïté. De prime abord, une démission collective du gouvernement, suivie d'une dissolution de l'Assemblée, « cela rappelle le binôme responsabilité politique-dissolution parlementaire, caractéristique principale du régime parlementaire ». Sans aucun doute, poursuit Mme Benabou, tout porte à évoquer une responsabilité politique. Toutefois, elle a souligné que ce binôme n'est « qu'évocateur, car les conditions préalables et nécessaires à une responsabilité politique ne sont pas réunies dans le système institutionnel algérien ». Par ailleurs, enchaîne-t-elle, « en Algérie, l'interpellation sur une question d'actualité ne constitue en fait qu'une sorte de question orale qui permet un débat approfondi sur des questions politiques sans, toutefois, se terminer par un quelconque vote ». Cela dit, « aucune résolution ni censure ne peuvent intervenir ». La constitutionnaliste indique aussi que le gouvernement est sous la dépendance statuaire du président de la République. De plus, les textes de loi ne sont que l'exécution matérielle du programme présidentiel. Alors n'étant pas détenteur de pouvoir, le Premier ministre ne peut prétendre présenter un texte politique, que sanctionne un programme politique. En l'absence de celui-ci, dira-t-elle, il ne peut y avoir de responsabilité politique. « Quel est alors l'intérêt de sanctionner l'œuvre d'un exécutant ?, s'interroge-t-elle. Cela étant, un Premier ministre, sans pouvoir effectif, révèle pour elle, « un dilemme doctrinal » qu'il va falloir résoudre également dans la prochaine Constitution.