Khouya Zazaîri aurait pu être élu, le doigt dans le nez, s'il s'était présenté aux dernières élections législatives. Enfin c'est lui qui le professe. Mais il s'est sorti du piège, « avec stoïcisme », tient-il à préciser à sa douce moitié. « Il n'y a pas que toi. Moi aussi, j'aurais pu être élue », lui rétorque-t-elle, du tac au tac, sa célébrissime Zazaîriya. Bravant les chants de sirène - enveloppés dans des billets de cent dinars- et les appels au boycott - enveloppés dans un « printemps arabe », cousu de fil blanc- il s‘était dirigé vers l'urne, muni d'un papier blanc sur lequel il avait, au préalable, griffonné : « Je vote blanc, pour l'Algérie. Pas pour Toi ! ». Désormais, c'est donc en vrai Mouwaten, à la conscience vive et tranquille, qu'il appréhende le reste de l'existence. Sauf que, tout comme l'année dernière, les choses ne se présentent pas tout à fait comme il l'aurait souhaité. Car à peine est-il sorti des urnes que la saison chaude a commencé à frapper à sa petite porte. Et avec elle, les diverses langues de feu qui risquent de lui donner froid... dans le dos. Depuis quelques temps, en effet, l'été n'a pas la même « approche existentielle » pour tout le monde. Si certains de ses concitoyens, « borgnes au pays des aveugles », se préparent déjà à essorer les bonnes choses de l'existence, en réalisant leurs rêves frelatés, vacances en Espagne, ramadhan à la Mecque ou à Paris, c'est selon, et tutti quanti... Kouya Zazaîri, lui, se sent déjà lessivé avant même que sa bourse ait été ouverte. Pour ce laborieux Mouwaten, en effet, depuis quelques temps, la saison des chaleurs lui donne de réels frissons puisqu'elle s'appréhende toujours de cette manière : un ou deux mariages, une ou deux circoncision, quelques maigres jours au bord de la Grande Bleue, ripailles du ramadhan, coûteux effets de l'Aïd... les frais s'amoncellent si lourdement et les exigences financières s'imbriquent si étroitement les unes aux autres que l'été devient pour notre glorieux électeur un vrai motif à cauchemars. D'où va-t-il, donc, sortir ces tas d'argent lui qui travaille à la « mords-moi le citron » ? Alors qu'il en était encore à ces douces pensées, sa célébrissime Zazaîriya baragouine une petite mais tendre phrase, à partir de sa cuisine forteresse : « Je t'écrirais... », lui lance-t-elle en miaulant. Et après avoir extrait, avec peine, sa tête du fond de sa batterie de casseroles, elle ajoute, avec un sourire entendu : « ...la liste des provisions de la semaine ! ».