Comme annoncée, à la veille du mois de ramadhan, la pénurie du pain est déjà visible à Constantine ces derniers jours, la baguette de pain est devenue introuvable dans plusieurs quartiers de la ville. Seuls quelques vendeurs ambulants assurent le minimum en proposant un pain d'une qualité inférieur mais dont le prix dépasse souvent les 10 DA. Des vendeurs qui installent leurs corbeilles sur les trottoirs sans respecter les mesures d'hygiène, on peut les trouver un peu partout dans les boulevards animés tels que Belzouidad ou aux alentours des marchés. Officiellement, cette rareté du pain s'explique du fait que la plupart des boulangers ont pris leurs congés annuels ces dernières semaines, et beaucoup d'entre eux assument cette responsabilité qui va à l'encontre des recommandations de la fédération générale des boulangers. Un choix délibéré comme nous l'explique un boulanger exerçant à Belouizdad et membre de l'UGCAA : « Nous ne pouvons plus travailler dans ces conditions, les coupures de courant fréquentes ces dernières semaines nous posent de sérieux problèmes, contrairement à ce qui est dit beaucoup d'entre nous ne disposent pas d'un groupe électrogène. De plus, nous réclamons une augmentation des tarifs pratiqués actuellement, car vendre une baguette à 7,5 DA n'est pas rentable du tout, la preuve une grande partie des boulangers de la ville a baissé les rideaux depuis quelques années déjà. Est-ce que vous voyez de nouvelles boulangeries en train d'ouvrir ? » ajoute notre interlocuteur qui pense lui aussi à fermer sa boutique et changer d'activité. Force est de constater que le métier de boulanger est en effet menacé de disparaître, le bureau local de la fédération nationale des boulangers ainsi que les représentants de l'Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA) ont tiré la sonnette d'alarme au mois d'avril dernier en rappelant que sur les 520 boulangeries recensées dans la ville des Ponts, il y a trois ans, seules 93 boulangeries continuent encore de faire de la résistance. Ils évoquaient ainsi les maigres subventions de l'Etat alloués aux boulangers, alors que ces derniers ne peuvent en aucun cas réviser les prix, ils doivent s'acquitter de factures souvent onéreuses de gaz et d'électricité et de s'approvisionner en matières premières à des prix élevés. Selon leurs conclusions, la marge de bénéficiaire reste maigre pour la plupart des boulangers, ce qui expliquerait sans doute la faillite de certains. Pour parer à une telle crise du secteur, la Fédération de Constantine n'a pas pour le moment emboîté le pas aux boulangers de la wilaya d'Annaba qui ont d'ores et déjà mené une grève, il y a quelques semaines mais « Si ça continue ça sera inévitable » nous confie un membre de l'UGCAA. L'autre préoccupation des boulangers reste aussi de trouver une main d'œuvre qualifiée mais surtout qui s'engage à travailler en ces jours de chaleur à côté des fours, les salaires bas et les conditions de travail extrêmes font fuir les jeunes et même les apprentis. Espérons enfin que les boulangers partis en congés ces derniers jours reprennent le travail en ce début du ramadhan, car pour le moment nous assistons à des scènes identiques à celles des années 1990 que nous pensions ne plus revoir, de longues queues se forment chaque matin devant les boulangeries de la ville.